Cendres et Flammes
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Cendres et Flammes

Un univers carcéral violent et sans limites où les prisonniers n'ont plus aucun droit.
 
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 Les yeux au sol. [Pyth]

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Anastasiah H. Von Stern
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Anastasiah H. Von Stern


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MessageSujet: Les yeux au sol. [Pyth]   Les yeux au sol. [Pyth] Icon_minitimeJeu 5 Mar - 23:45

....De la lumière ?
Absurdité.
....Des voix ?
Absurdité.
....De l'eau, de l'air, du vent ?
Absurdité.

Je vois mais ne regarde.
Entends mais n'écoute.
Vis mais ne vibre.
Absurdité.

....Je suis le Vidame Anastasiah Hernani Von Stern, deuxième du nom, fils cadet du très juste Samuel Von Stern et de la tendre Anastasiah Von Stern.
....Je suis le souffle dernier d'une mère mourante, promesse gracile d'une consolatrice joie, né sur un sein froid de vie.
....Je suis l'époux de mon âme jumelle, mais ce faisant suis le veuf de ma propre sœur, ainsi que d'une partie de moi-même.
....Je suis le célèbre photographe autrichien, ayant couvert de nombreux théâtres d'opérations militaires, et finalement reconverti, bon gré mal gré, dans de le domaine de la mode.
....Je suis l'assassin, je suis le monstre, je suis le mal, époux de son propre sang, meurtrier de la coupe, du lien, et du serment.

....Et je suis mort.



"C'est bon. Faites-le descendre. Maintenant."

Une pression sur mon épaule. Il faut que je sorte. Du fourgon. Dehors.
Dehors.

Je me penche légèrement, afin de passer sans heurts la portière noire. Immanquablement, mes cheveux viennent brouiller mon regard. Je ne peux y remédier. L'on m'a attaché les mains, dans le dos. Mais tout ce que je retiens, c'est que je n'en ai cure. Je crois que ces choses-là ne me concernent pas vraiment. Mes yeux bleus s'attardent sur le ciel bleu. Peu importe, me dit-il. Ferme les yeux. Ne vis pas. Ne vis plus. Car il n'y a…
Plus personne.

Je trébuche.
J'ai à peine le temps de noter ce soleil d'octobre, implacable, indécent, scrutateur. Cet air froid appelant l'hiver, appelant le givre, et quelque chose de pire aussi. Il fait jour, et cette froidure clarifie les esprit. Trop de lumière et trop de conscience pour l'homme qui ne veut plus de ses yeux, qui ne veut plus de ses sens, de son cœur.
Des mains me rattrapent. Secourables. Je me perds dans ces bras-là, sans penser à qui, à quoi. Une exclamation de stupeur, puis une voix féminine, plaisantant doucement, dans la creux de mon oreille. "Je vous pensais plus lourd…" Silence. "Vous croyez ?"

Je me redresse lentement, me détachant de ces bras qui me retinrent, pour un instant. Mes yeux se ferment lentement. La lumière me blesse. Cette lueur là est bien différente de celle que je connu durant près de deux ans. L'obsédant vrombissement des néons, éclats morbides de blanc sur des murs blancs dans un silence blanc.
Peu à peu, je m'habitude. Mes paupières se rouvrent doucement. Je croise mon reflet, dans la vitre du fourgon. N'ose pas regarder mon visage. Ne m'attarde que sur mes cheveux, que ce cru soleil inonde. Halo presque luminescent. Plumes trop longues. Ils ont encore poussé.

Je me rappelle. Il est vrai qu'ils ont lavé et peigné mes cheveux, rasé ma barbe naissante, m'ont passé de vrais vêtements.
De vrais vêtements.
Oui… Mais si je n'avais qu'une question à poser, une seule, une simple interrogation déchirant l'opacité de cette journée que je ne comprends guère, réveillant en moi un dernier écho de tristesse, non, de ressenti, non, d'impression…
Pourquoi m'ont-ils vêtu de noir ?

Peut-être ont-ils simplement pris au hasard quelques-uns de mes vieux vêtements. Ceux d'avant. Peut-être ont-ils jugé bon de me faire porter mon deuil. Mais tout ce que je sais, c'est que cela ne choque. Je n'ai jamais aimé porter cette couleur. Ils m'appartiennent, mais je crois que jamais je ne les ai mis. Ils ne me disent rien.
Noir, le haut à manches longues, col en V, au tissu trop fin pour ce temps, glaçant mes os, et les laissant voir par son étroitesse.
Noirs, le pantalon de cuir, la ceinture épaisse.
Noires, les bottes trop lourdes, lacées de sombre, bouclées d'obscurité. Tintement sinistre.
Noir.

Cela me rappelle la façon qu'avait Franz de s'habiller. Cliquetant sous ses cheveux courts. Délicieusement différent, simplement lui. Franz, mon frère. Et Sarah, ma petite Sarah, toute en rondeurs, toute en sourires, deux fossettes et un regard noir.
Et David. Notre aîné. Lent, serein. Je me rappelle… je me rappelle sa voix rocailleuse, ses cigarettes, ses rides au coin des yeux lorsqu'il m'expliquait que non, à quarante ans, il n'était pas vieux…
Les miens. Une fratrie d'anges aux cheveux châtains foncé. Certainement la couleur qu'eussent dû avoir les miens.
Les miens.

Je constate avec effroi
que je sais d'où viennent les vêtements que je porte.
Ce sont ceux de Franz.
Seigneur…

Que la lumière du jour est lourde.

Le…pont-levis s'est abaissé. Je ne l'ai pas vu, simplement entendu. Je me suis contenté de fixer ce sol aride, gris, cette pierraille roulant sous mes lourdes semelles. Je crois que ce son, je l'ai ressenti jusque dans mes os… Mais pas jusque dans mon âme.
Conscience.
Conscience ?
Ah… Humour.

"- Chef, je sais qu'il doit être seul après le pont-levis… Je sais, oui… Mais vous le voyez traverser cette…cette douve ? Alors qu'il marche à peine ? Le doc nous a dit qu'il n'a rien avalé depuis cinq jours… j'ai dû me battre pour le faire boire. Alors moi j'vous dis, le laisser passer par dessus ce truc sans aide, c'est… c'est criminel, chef. Sauf mon respect. "

"- …Et bien allez-y seule, Luce. Les gens de là-bas… n'aiment pas vraiment nous voir chez eux. Vous vous expliquerez sur place."
"- Ouaip chef."
"- Et pas de bêtises, Luce."
"- Ouaip chef."
"Je vous connais."
"- Ouaip chef."

La petite femme m'attrape par le bras, tourne crânement les talons, et s'avance sur le pont-levis. Je ne peux que suivre. J'entends nos pas résonner sur la solide structure de bois. Etrange endroit. Est-ce de l'eau, que j'entends ? Je ne sais pas. Je ne regarde pas. Je ne regarde rien. Pour le moment, je ne sens qu'une chose, c'est cette main chaude sur mon épaule. Me retient encore un peu, ici, maintenant.
Nous sommes désormais devant une imposante grille de métal. Je ne la touche pas, mais je la devine glacée. Je ne sais pourquoi. Le pont-levis se referme, nous emprisonne. Oppressante impression. Je sens la main du gendarme se resserrer un peu sur mon bras.

"Dites."

Je baisse lentement les yeux. Il faut dire qu'elle est bien plus petite que moi, avec ses cheveux ébouriffés, sa casquette bleue, ses tâches de rousseurs. Elle, ne me regarde pas. Se contente de fixer un quelconque point devant elle, au loin, derrière la grille. Là où je me refuse de porter ne serait-ce qu'un seul regard.

"Vous me trahirez pas, hein ? Vous vous laisserez pas mourir là-bas, hein ? C'est eux qui gagnent sinon. Vous avez une bien jolie alliance. Pensez à votre amoureuse qui vous attend chez vous et se fait du mouron pour vous ! Moi je veux pas lui dire que vous êtes maigre, hein. Moi je peux pas. Alors vous me trahissez pas et vous pensez à votre petite femme qui vous rendra peut-être visite, qui sait ? On a le droit ici."

Seigneur.

Que la lumière du jour est…lourde.


Dernière édition par Anastasiah H. Von Stern le Dim 3 Mai - 0:00, édité 1 fois
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Pythagoras de la Flaam
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MessageSujet: Re: Les yeux au sol. [Pyth]   Les yeux au sol. [Pyth] Icon_minitimeVen 1 Mai - 12:36

Anastasiah Hernani Von Stern. Lui aussi il revient. J'ai retrouvé Edouard mais pas Anastasiah, c'est lui qui est venu à moi. Quand j'ai reçu la liste des transferts de la semaine, j'ai cru que j'allais m'étouffer. Anastasiah ! C'est comme voir un fantôme… dans tous les sens du terme. Je me suis précipité sur son dossier pour savoir où il avait disparu, ce qu'il lui était arrivé. Anastasiah, mon Anastasiah même s'il n'appartient qu'à ses Anges. Pourquoi est-ce que mon cœur s'affole ainsi à l'idée qu'il va venir ici, que je vais le revoir ? Mais son dossier ! Quelle douleur ! Quelle douceur ! Quelle ironie ! Anastasiah ! Comment a-t-il pu faire ça ? Comment ? J'en souffre tant pour lui. Je voulais qu'il survive, je pensais lui avoir offert une accroche à ce monde, je pensais qu'il resterait… Que fait cette larme sur ma joue ? Déception, frustration ou tristesse ? J'aime beaucoup cet homme, il recèle quelque chose de divin. Il a percé mon cœur et m'a mis à jour en quelques heures, il est comme un point faible mais aussi un tremplin pour moi. Ce qu'il a brisé m'a permis de me reconstruire, plus solide, plus réel, plus vrai, plus moi. Anastasiah.

On est venu m'annoncer l'arrivée du fourgon. Pile à l'heure. C'est bien son genre. Quel enfant je fais, quel gamin. Pourquoi donc me suis-je caché dans le sas ? Il y a un coin d'ombre et je m'y suis terré. Je peux le voir de loin de l'autre coté du pont-levis enfin baissé. Je peux voir comme il titube, mais il est trop loin pour que la maigreur évoquée dans son dossier m'apparaisse. Ses cheveux semblent plus longs que ce qui était écrit, peut être a-t-il repris du poil de la bête entre temps… bizarrement j'en doute. Ses cheveux si blancs. Pourquoi donc sa chemise n'est-elle pas du même blanc immaculé ? Ca m'étonnerait que ça soit de son propre chef qu'il porte des vêtements si sombres. Oh, bien sûr, je ne m'attendais pas à ce qu'il soit en blanc, j'avais même prévu qu'il ne le soit pas. Mais de là à le voir en noir… Je pense que mon cadeau lui fera plaisir… j'espère. Mes doigts se resserrent sur le morceau de tissus que j'ai apporté.

Il traverse le pont, enfin. Mais il n'est pas seul. Qui est donc ce trouble fête ? Ca y est, je le vois mieux et je comprends. Cette femme le pense trop faible pour marcher seul… et elle n'a peut être pas tord. Il est tellement beau mais tellement affaibli… Anastasiah, qu'as-tu donc fait de toi ? Pourquoi as-tu abandonné la vie ? Crois-tu vraiment que c'est ce qu'elle veut ? Ne vois-tu pas que l'ange que tu cherches, c'est toi ? Même en noir, même plus mort que vivant, tu ressembles à un ange. Tu as toujours ressemblé à un ange. Mon ange. Je déglutis difficilement. Le voir comme ça, me fait mal.

Je me terre dans l'ombre et ils passent devant moi sans me voir. Ils s'arrêtent à quelques pas et le pont de bois de referment. Elle lui parle. Les chaînes viennent de cesser de crier et j'entends parfaitement bien ce qu'elle lui dit, ce qu'elle lui demande. Quelle ironie, quelle… Pourquoi suis-je en colère ?


"Anastasiah ne tient pas ce genre de promesses… Il les rompt dès qu'on a le dos tourné !"

Pourquoi cette rancune ? Est-ce que je lui en veux donc tellement d'avoir tenté de rejoindre sa sœur ? Je suis ridicule. La béquille de mon ange s'est tournée, elle me cherche du regard une pointe de colère dans les yeux. Lui, n'a pas bougé. Je n'ai aucun doute sur la question, il a reconnu ma voix et cela lui déplait particulièrement. N'est-ce pas ce qu'il a dit dans son dossier : il ne voulait pas que je sache, il ne voulait pas que je vois. Je sors de l'ombre et la fille a comme un sursaut. J'étais plus près qu'elle le pensait… et je suis plus grand qu'elle ne s'y attendait. Je la regarde avec dédain.

"Ne savez vous donc pas qui vous transportez et pourquoi il est là, Mademoiselle ? Lui parler de sa femme, quelle idiotie. Renseignez vous donc. De là où il l'a envoyée, elle doit certainement savoir à quel point il est idiot."

Je m'avance enfin et dépose la chemise blanche sur ses épaules. Elle est un peu grande pour lui ce qui est normal puisqu'elle est à moi mais je suis certain que ça fera l'affaire. Je le détache, quelle idée de lui lier les mains, comme s'il était capable de faire le moindre mal à une mouche dans son état. C'est ridicule. Mes doigts passent doucement dans ses cheveux.

"Bienvenue à la maison, Ansastasiah. Tu m'as manqué."

Ce n'était qu'un murmure, mais je n'ai aucun doute : elle a parfaitement entendu. Peu importe, elle n'existe plus à mes yeux, maintenant. D'ailleurs elle a enfin fini par le lâcher. Je ne sais pas trop à quel moment, d'ailleurs. Je me penche à l'oreille de mon nouveau pensionnaire et cette fois ces mots ne sont destinés qu'à lui :

"Laisse ton ange où elle est, tu n'as pas à la rejoindre. Sois mon ange, Anastasiah, ne t'évapore plus. Reste dans mes bras."

Je sors le trousseau de clés de ma poche et lui désigne la cours. Plusieurs prisonniers y déambulent, la semaine a été assez calme au Terres Brûlées. Je souris tendrement :

"On rentre ?"
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MessageSujet: Re: Les yeux au sol. [Pyth]   Les yeux au sol. [Pyth] Icon_minitimeVen 7 Aoû - 20:44

Nous revenons tous.
Nous sommes abonnés au même enfer. Traîne ces traces de sang, l’ami. Ce sont tes plus fidèles. Tes plus fidèles compagnes. Et dans la non-vie, et dans la non-mort. Chut. Ne pas dire l’opposé de l’inverse d’un mot, c’est encore le dire, n’est-ce pas ? Non ? Oui ?
Je ferme les yeux.
Je n’appartiens pas à tout cela. Je n’appartiens à rien. Et rien ne m’appartient. Même pas le choix de vivre, ou de mourir. Et ceci fait de moi un lâche. J’ai raison, n’est-ce pas ? Je croyais être le Carrosse, je ne suis que le Mat. Et je dérive.
Et je n’aime pas. Penser de cette façon.
Vivre ce qu’il y a à vivre.
Eteindre cette chandelle qui ne demande qu’un peu de repos. Oh, claire conscience, tais-toi, meurs ! Je veux, je veux l’obscurité, froide et souveraine. La joie dernière de ne penser à rien. La jouissance de ne plus savoir, et d’enfin, dormir.
Le silence.

Mais moi, lorsque je ferme les yeux, ce n’est pas du noir que je vois.
Mais moi, lorsque je bouche mes oreilles, le silence ne s’offre pas à moi.
Mais moi, lorsque j’enfonce le poing dans ma bouche, je hurle encore.


Car ils sont là. En moi, par moi, et pour moi, les fantômes de ce passé. J’ai une mémoire. J’ai une histoire. Et elles me poursuivent. Ces noms et ces voix. Ces murmures derrière une porte, ces murs obstinés, ces barreaux sanglants. L’oiseau qui se brise une aile en se jetant contre sa cage. Puis finalement un sourire, et la surprise d’une flamme qui claque, fouet du destin. Un feu nouveau embrase la chandelle, la mange toute entière pour n’être que l’esprit du feu, enfin, libre, vivant, croyant.
Fantômes.


"Anastasiah ne tient pas ce genre de promesses… Il les rompt dès qu'on a le dos tourné !"
Fantômes.
Stop. Attendez. Ce frisson atroce. Déchire.
Je tremble.


Seigneur ! Par pitié, s’il y a encore quelque part quelqu’un pour croire en vous, pour espérer en vous, faites que cette voix ne soit… ne soit pas… pas réelle… je t’en prie, à genoux… ne sois pas vrai… je suis d’accord, je suis d’accord ! Soit ! Je suis fou. N’en parlons plus. Ce n’est là que… que le vain produit de mon esprit malade… je suis fou ! Tout ce que vous voulez ! Je les ai tués ! Je me suis tué ! Je suis un monstre ! Je suis d’accord, d’accord, si vous me laissez le droit, si vous me dites, à moi, que je suis bien fou, et que sa voix, à lui, n’est qu’un songe…
Pitié.

Mais elle se tourne. Car elle l’a entendu. Et moi, je n’ose pas. Je tremble trop. Je ne sais pas même si je peux bouger. Faire volte-face. Lever les yeux, plus haut que terre. Plus bas que terre. Je ne veux pas, si ma jambe me trahit, trébucher, et tomber devant lui. Je ne veux pas, si mon visage me trahit, inspirer sa peine, et sa pitié. Cette voix déjà que j’ai peut-être aimée, dans une autre histoire, mais qui, chargée de cette sorte de déception, me blesse, et me remplit d’effroi.
Quelles promesses, Pythagoras ?
Quelles promesses, vous ai-je laissées ? Les promesses, les promesses sont des mains qui nous tiennent au dessus de l’onde. Et moi, durant tout ce temps, je n’avais rien de tout cela.
MENTEUR.
Je. Mens.


« Idiot. » Mes lèvres forment en silence cet unique mot. Ose-t-il savoir ce que dirait Eva de moi ? Ose-t-il ? Mais quelle étrange phrase, étrange phrase que je ne comprends pas… Idiot de quoi faire ? De ne l’avoir point rejointe, encore ? Déjà ? Mes doigts se crispent. Je tremble. Sueur à mon front. Fièvre du survivant.
Fantôme.
FANTÔME !

[i]Le geste qu’il a me fait l’effet d’une gifle. Le contact frais du tissus blanc. Effleure ma gorge moite. Je le sens près de moi. Mais je n’ose pas bouger. Je sens son odeur, elle, je la reconnais facilement. Peut-être est-ce cela qui me paralyse, maintenant. Il libère mes mains. J’ai mal aux bras. Muscles crispés. Un cadavre. Mes ongles s’enfoncent dans mes paumes, et mon visage se peint d’une expression affolée. Une goutte de sueur perle sur ma tempe, sourcils froncés, yeux écarquillés.
C’est comme un mauvais rêve.
Je ne sais pas comment me sortir de là.
Dignement.
J’ai un brusque mouvement de recul. Il a touché mes cheveux. Et j’ai eu peur. De quoi ? Je ne le sais pas. Mais j’ai peur. Et je fuis le contact. On m’a appris à avoir peur. Mais maintenant, j’ai peur de tout. Et de lui ? Non. Non. J’ai peur de moi à lui et de lui à moi. De vous à moi. Mais pas de lui.
Est-ce que je vais encore souffrir ?
Chandelle, meurs.


Si je parle, je vais me tromper.

"Bienvenue à la maison, Anastasiah. Tu m'as manqué."
Cette réplique déclenche en moi comme une douleur nouvelle. Une terreur nouvelle. Insoupçonnée. Infondée. Mais mêlée d’autre chose… d’autre chose de plus doux, de plus chaud, et de plus précieux. Je n’y crois pas. Je ne veux pas parler. Il va voir et entendre. Et il sera déçu. Je le décevrai.
De là vient la terreur.
Ne voulez-vous pas garder de moi cet ange sans peur ni faiblesse ?
Mais… c’est trop tard, n’est-ce pas ? Je… personne ne peux accepter ce que je suis maintenant.
Je ne veux pas.

Et puis soudainement, comme si quelque chose s’était envolé, je lève les yeux, et je le vois. Je le regarde. Et je me tais. Je crois que j’ai de la fièvre. Il a changé. Je frissonne. Il a mûri. J’ai peur. Ses cheveux sont plus sombres.
Il a dans le regard comme une nouvelle droiture. Cette liberté que je ne veux pas lui voler. Cette capacité à tendre la main, à renverser les êtres, et à en attirer d’autres à lui. Sans plus souffrir.

Je suis votre aîné.
Je ne peux pas accepter votre aide.

"Laisse ton ange où elle est, tu n'as pas à la rejoindre. Sois mon ange, Anastasiah, ne t'évapore plus. Reste dans mes bras."


Depuis quand, Pythagoras, êtes-vous capable de parler ainsi ?
Je crois… que vous êtes devenu un homme.


« Reste dans mes bras. » Je le regarde. Ce serait si doux. Mais j’ai passé l’âge. Je ne veux pas me pendre à lui. Je ne veux pas dépendre de lui. Je ne veux pas peser sur cet homme jeune, qui a besoin de place, pour étendre ses ailes.
Et ma fierté. Lutte contre ma douceur. Je ne veux pas qu’on me protège. Vous souvenez-vous ? Je préfère tomber.
Je ne veux pas… être l’esclave de mes faiblesses.

Quelque chose glisse. La chemise sur mon dos. Reflexe. Je la rajuste. Silence. Je le regarde. Et lentement, en resserre les pans contre moi.
Me rappelle une autre scène.
« Vous êtres transi. »
Nous avons échangé nos places. Alors juste pour cette fois… j’accepte.
Que ce serait-il passé, si j’avais, ce jour là, gardé sa veste ? Que ce serait-il passé, si aujourd’hui, je lui avais rendu sa chemise ? C’est peut-être une des siennes. Elle est trop grande pour moi. La différence de taille entre nous n’est pas si grande. Mais je dois peser bien vingt kilos de moins que lui.
Je rougis.

Un bruit de clefs. Un gardien. Un autre. Peau mate. Yeux noirs, en amande. Adresse un sourire à ‘ma’ gardienne. « Je vais vous raccompagner à la sortie. Monsieur le Directeur se charge de ce prisonnier. »

Silence.
Un peu naïvement, je vérifie s’il n’y a pas un autre personnage, dans cette scène. Quelque éminente autorité, qui parlera, parlera, et congédiera les gardiens. Congédiera Pythagoras. Mais non.
Il est le Directeur de Cendres et Flammes.

Et je ne peux définitivement pas accepter son aide.
Ne vous affaiblissez pas pour moi.
Pour personne.
Jamais.

Il me guide dans ce lieu dont j’ignore tout. Peut-être vers ma cellule. Certainement. Je suis surpris de sa douceur. Je le regarde en silence, et je me demande ce que j’ai fait pour la mériter. Rien. Oui. C’est ce qui passe dans mon âme. Que puis-je lui offrir qu’il n’ait déjà ? Ce n’est pas pour lui, que je parle, mais pour moi. Ce que je veux dire… c’est qu’il serait folie de dire que sa bienveillance est intéressée… non, je ne pense pas. Je ne veux pas le penser.
Mais je ne veux pas qu’il comprenne que je suis vide.
« Pythagoras. »
Le son de ma propre voix me surprend. Je parle si peu. Mais j’ai commencé une phrase. Il faut que je l’achève. Or, je ne sais pas comment faire.
Le couloir ne résonne plus du bruit de nos pas. Je me suis arrêté. Et encore, je le regarde. Une mèche obstrue mon regard, colle à mon front en sueur. Je l’en dégage. Vieux geste, vieilles habitudes.
Je commence à me sentir ridicule. Je cille lentement. Vacille légèrement. L’esprit embrumé par la fièvre.
« Vous… N’avez pas besoin d’ange… vous…n’avez plus besoin… »

Ma voix se brise.
Et, pour la première fois, peut-être de ma vie, je craque.
La tête appuyée sur son épaule, je le serre contre moi. Peut-être un peu fort. Mais je n’ai plus vraiment de forces. Alors il ne risque pas grand chose. Je ferme les yeux et mes paupières me brûlent. Quelque chose de salé. Mais mon visage est trop brûlant, alors je ne sais pas si je pleure vraiment. Je n’espère pas. Je m’accroche à lui. Comme à un frère. Il n’y a personne. Alors je souffle, d’une voix perdue, comme celle d’un fou, d’un malade, ou d’un mourant :


« Comment pouvez-vous savoir ce qui se passe, et ce qu’elle pense, et ce que vous voulez… J’ai confiance en vous. Mais je ne comprends pas… vous n’avez pas besoin d’ange… pas besoin… »

Je délire.
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