Première inspection [Carl]

Résumons nous. Je suis Lord Adel Ladizlas Brett Sinclair, héritier officiel de la famille des Sinclair, homme transi qui n'a pas terminé sa vendetta, gentleman trahi par un peuple qui n'y comprenait rien et envoyé au bagne à vie. Quelle déchéance ! Néanmoins mes objectifs restaient limpides : tout d'abord m'évader ensuite continuer ma vengeance puis perpétuer mon espèce et redorer mon nom et la fortune qui l'accompagnait. Ce grand un n'aurait de cesse. Et je savais que je ne pourrais l'accomplir qu'en ayant une connaissance parfaite des lieux et des habitudes et une métaconnaissance aussi vaste. Une métaconnaissance que je savais primordiale mais qui m'ennuyais profondément. Je devrais me mêler à la plèbe et je n'en avais aucune envie.

Ce premier point que je me résumais me mettait dans une humeur peu glorieuse. En plus de ce que je venais de 'découvrir'. J'avais été accepté en ces lieux le midi. Je venais de faire une rapide inspection de ce château et le constat me semblait décevant : aucun moyen évident de s'échapper même si j'avais plusieurs indices. C'était logique mais l'espoir fait vivre ne dit-on pas ? Je sentis mon pied glisser un instant sur l'humidité qui suintait des murs de cette dernière pièce. Une salle téléphonique et de visite de la tour sud. A moins que ce fut de la nord. Je râlais. Ces gueux ne pouvaient-ils pas donner des noms normaux ? Picadilly par exemple ! Ca, c'était du nom de lieu qui servait à se repérer. Sud, nord, ça veut dire quoi ça ? Je ne suis pas un pigeon voyageur ! Pour qui me prennent-ils ? Pour un singe ? Mmmh, peut-être. La position dans laquelle j'étais en ce moment n'avait rien d'aristocratique.

Je jetais un autre regard par la meurtrière. J'avais l'impression de pouvoir toucher du doigt le pont levis si la raie entre les murs n'avait été aussi étroite. Ma semelle glissa encore un peu. Il fallait avouer que cette ébrasure n'était pas des plus pratiques. La pente était pratique pour laisser entre le peu de lumière mais peu pour s'y accroupir dessus. En plus c'était exigu. Mon agacement monta en flèche : j'avais aperçu un gardien patrouillant sur le chemin de garde. Comment pouvaient-ils me garder ici ? Me priver de ma vengeance ? Et puis ce numéro deux ! Ma respiration s'accélérait, mes doigts me fourmillaient, mes muscles tremblaient d'inaction et mon esprit ne pouvait s'empêcher de proférer des injures.

Ce que je fais? Je déambule sans but précis. Je ne vais certainement pas rester dans ma cellule lorsque je n’en ai pas l’obligation. Au contraire, je faisais tout pour ne pas y être. J’avais eu l’habitude des cellules de Sadismus après trois années d’enfermement. Mais ici, bien que semblable, c’était un changement radicales. Les cellules plus petites, ce n’était plus les mêmes personnes et après m’être habitué à un endroit, j’avais un peu de difficulté avec cette prison là. Pourtant, ce n’était pas un changement bien radical. J’avais demandé un changement cellule. Je n’avais pas obtenu ce droit. Bien sûr, la personne à qui j’avais exposé cette requête ne m’était pas tellement favorable. Alors ce que j’avais obtenu? Le droit de travailler très fort, énormément et tout le temps. Un peu étrange comme requête. Mais pour moi ça me donnais l’occasion d’être épuisé, de redevenir peu à peu en forme, et d’éviter les ennuis. Lorsque je retournais dans ma cellule le soir, je m’effondrais dans mon lit et je n’avais pas l’occasion d’être claustrophobe. C’était le mieux que je pouvais faire pour éviter de m’en prendre à Bella. Moi qui protégeais quelqu’un? Oui ça m’arrivait parfois. Mais il était rare que je m’en rende réellement compte, j’avais compris que je tenais à sa survie, que je ne voulais pas lui créer d’ennuis dans le bureau du directeur. Mais uniquement là.

Mais aujourd’hui. Il n’y avait pas de boulot. J’étais à la manutention alors lorsqu’il n’y avait pas de livraison, ce qui arrivait rarement dans un endroit comme celui-ci, je ne faisais rien. Et comme je n’avais pas la moindre envi de retourner voir le directeur pour faire un autre travail, et bien je devrais trouver un moyen de m’occuper moi-même. Je ne savais absolument pas quoi faire par contre. Je me rendis compte que je ne connaissais même pas cette prison, que je ne l’avais pas encore visité. Et bien c’est ce que je ferais alors, puisque je me voyais mal aller chercher les ennuis, dans le but d’obtenir une bagarre qui pourrait m’épuiser. Mais j’avais songé à cette solution. Enfin … j’approchais dangereusement de la quarantaine. Je vieillissais, et la prison n’était certainement pas mon allier pour rajeunir. Je prenais le temps d’observer. Je mémorisais les endroits. Si j’avais bien quelque chose c’était une bonne mémoire. Les visages, les noms, je n’oubliais pas ce genre de chose, même si la personne était très insignifiante à mes yeux, je ne risquais pas de l’oublier.

Je grimpais les étages, jusqu’à ce que j’arrive à un endroit. La salle des visites et des téléphones. Amèrement je regardais cette salle avec envi. Mais je ne connaissais pas le numéro de ma femme, elle devait me rejoindre d’elle-même. Et je lui avais bien fait comprendre que je ne voulais pas qu’elle m’appelle. Bien que parfois je regrettais amèrement ce choix, pour l’envi que je ressentais constamment de lui parler, d’entendre sa voix et celle de mes enfants, je savais que c’était la seule bonne chose que je pouvais faire ici. Je soupirais, je n’avais pas encore remarqué l’homme près de la fenêtre, mais je ne ratais pas ce gardien qui venait de passer, et qui ne se gêna pas pour me bousculer. Un coup sec directement sur l’épaule.
J’étais calme, beaucoup plus calme qu’avant. Mais il y avait certaines choses qui me rendaient malade, et c’était de me faire agresser sans la moindre raison. Voyant que je me retourne et que je m’approche de lui. Il s’arrête et se tourne vers moi. Un sourire moqueur sur le visage. Un gardien de Sadismus, je détestais ses salopards. Il ne perdit pas de temps et me visa de son arme.

« Hyde … Je te conseille de ne pas avancer davantage … Une balle dans la tête, c’est si vite arrivé. »

Je ne stoppe pas mon mouvement immédiatement, mais un coup d’œil bref vers la salle des visites me ramène sur terre. Il me tuera en déclarant que c’était de la légitime défense, que Carl Hyde l’agressif avait tenté de le tuer. Je ferme les yeux, sentant la rage bouillir en moi. J’étais furieux. Je m’imaginais très bien en train de fracasser la tête de cet homme sur les murs de brique de la prison. Et pourtant j’étais plutôt du genre à tuer net. Mais pour lui je pouvais faire un exception. Je ne disais rien. Il ne me chercha pas plus d’ennuis. Il recula un moment, l’arme toujours pointée sur moi et se remit en marche. Je le fixais jusqu’à ce qu’il disparaisse. Je laissais échapper un juron puis je me retournais. Face à face avec cet homme que je n’avais pas encore remarqué, et qui ne devait avoir rien raté de la scène.

« C’est mon ami … » dis-je sèchement.

Et pourtant … C’était sensé être quoi comme réplique? Une blague? Oui effectivement. Je ne savais pas pourquoi j’avais blagué en fait et je ne m’en étais même pas rendu compte je crois. J’étais un mec assez imprévisible lorsqu’il était question de parole. Je l’étais moins lorsque la colère me submergeait. C’était les poings et rien d’autre. Je n’étais pas très loquace. Mais je n’avais pas envi de repartir maintenant. Ici c’était plutôt calme, assez éloigné. Comme ce n’était pas le temps des visites il n’y avait personne.
Sauf nous deux. Je m’installe sur le sol, en face de lui. Mais je n’ajoute rien, je ne l’observe pas longtemps, mais j’ai l’impression que c’est un homme fier, assez jeune, la trentaine tout au plus. Moi, je n’ai rien perdu de mon regard franc, mais il fallait dire que je commençais sincèrement à perdre espoir de sortir d’ici un jour.
Lui il sait qu’il trouvera un moyen de s’en sortir, c’est comme si quelqu’un le lui avait inscrit dans le front …

J'avais été surpris. Dans tous les sens du terme. En entrant dans cette salle téléphonique, un gardien m'avait vu et j'avais sursauté lorsque je me rendis compte de sa présence. M'être fait voir dans cette position si peu digne de moi, si peu aristocratique alors je venais de m'être décidé à descendre de ce perchoir ne fit qu'altérer davantage mon humeur déjà si peu reluisante. Ne voulant aucunement être dérangé dans ce que j'avais décrété, je descendis avec la grâce mitigée de l'autruche. Avez-vous vu une autruche un jour ? Je me promis de retourner au zoo de Londres prochainement en l'honneur de ces volatiles aux omelettes si économiques. Pourquoi arrêter de faire des projets pour un petit séjour temporaire ?

Mais alors que je me réceptionnais en grimaçant sur mes talons résonnants et me relevait le visage aussi impassible que mes os me faisaient mal, le gardien s'éloigna rapidement de ma personne. Shocking ! Comment pouvait-on me fuir aussi manifestement ? Et sans honte aucune ? Mmmh. Peut-être était-il prudent. L'envie me prenait soudain de corriger ce gueux qui avait osé me déranger. Les animaux ont un instinct surprenant pour sentir l'orage et de sombres cumulonimbus emplissaient graduellement la pièce.

Mais je vis alors l'altercation, le sourire du gardien, ses actes et ses pensées ; et l'orage passa ouragan. Ainsi donc, il craignait davantage ce faquin dont le nom m'avait échappé ? Ce vieillard sans superbe ni honneur ? Lui craint, moi dédaigné ? Relégué à un personnage insignifiant, inconsistant, inexistant ? Un second, finalement ? Second comme ce matricule immonde ? Jamais ! Ils devront apprendre à composer avec Lord Sinclair. Cet parodie humaine se tourna vers moi, me lâchant rudement un 'c'est mon ami' avant de s'asseoir au sol, rejoignant ainsi l'altitude à laquelle il était destiné.

Moi qui le fixait déjà avec toute la morgue possible, qui levait la tête en le regardant de haut, droit, digne et fier comme un olympien, majestueux et altier ne puis m'empêcher de rétorquer sur le ton d'un méprisant constat :

"Tiens ? Les insectes ont des amis ? Cette prison ferait la joie des entomologistes."

Et là, par pur esprit de mise en scène je regrette encore une chose. Avoir déjà revêtu mon uniforme. Les habits qui revêtaient nos épaules étaient semblables, comme si cela voulait dire que nous étions quelque part semblables. Idée qui me révulsait j'étais le jour et lui... Même pas digne de représenter les ténèbres.

Sa présence si proche m'irritait et je constatais que tous les insectes ne fuyaient pas l'orage.

Je me demandais en ce moment avec qui je me sentais le mieux. Cette ordure de gardien qui voulait me tirer une balle dans la tête. Ou bien cet homme qui m’insulte. Sincèrement, j’aimerais être ailleurs en ce moment. J’appui ma tête contre le mur d’un air découragé, totalement. Mais je suis en colère, il n’a pas la moindre raison de m’insulter. Si j’avais assassiné sa famille j’aurais pu comprendre, mais si j’avais tué sa famille, il serait mort également, alors je retirais cette possibilité. Et il n’était quand-même pas assez jeune pour être le fils d’un autre homme que j’aurais pu connaître. Alors non, je ne crois pas l’avoir déjà rencontré. C’est assez vexant. J’aime le respect, par contre, la façon dont nous sommes placés actuellement me passe très loin au dessus de la tête, bref qu’il soit heureux de pouvoir me regarder de haut, je m’en balance. Je ne remarque même pas. Mais la façon dont il s’adresse à moi, je déteste.
Soudainement je me mets à applaudir. Sans expression sur le visage, je ne fais qu’applaudir en le fixant directement dans les yeux. Lorsque j’arrête finalement, je lui balance.

« Bravo mon gars … Mais ici tu te feras remettre les pieds sur terre … Ton statut … Parce que visiblement tu en as un, ils vont se le foutre bien profondément à un endroit que je te laisser imaginer. »

Sec, tranchant, je doute que ça ne lui fasse quoi que ce soit. C’est pour ça que je déteste les mots, ça n’a pas le moindre pouvoir le moindre poids. Enfin, venant de moi. Je sais très bien que certaines personne on un pouvoir de persuasion et de manipulation assez extraordinaire. Moi j’ai le pouvoir de tuer quelqu’un avec un seul coup de poing. Amen!
Disons que j’ai longtemps choisi la facilité. Assassiner quelqu’un en le tuant d’une balle dans la tête est bien plus évident que de torturer une personne jusqu’à ce qu’elle crève. J’étais bien incapable de ce genre de chose. Mais j’étais quand même capable de parler, et comme je n’avais pas la moindre envi de me battre, alors je devais me contenter de paroles. De toute évidence je ne comptais pas marcher sur mon honneur et partir en le laissant gagner. Visiblement il se croyait tellement fort en tentant de me ridiculiser. Mais après quatre longues années enfermées, il n’y a plus grand-chose qui me surprend. Non la seule chose qui contribue toujours à mon enfer après tout ce temps, c’est l’isolement. Ya un moment que je me tiens tranquille, si j’y retournais maintenant, ce serait une véritable torture.
Je décide de me relever. Je veux trouver une façon de m’épuiser, et ce n’est pas en restant bien installé par terre que je vais y parvenir.

« Sérieusement, j’ai rien à faire d’une pourriture comme toi. Des attardés, j’en ai rencontré des tas. Si tu crois pouvoir me surprendre … » dis-je en soupirant.

Ah et merde, qu’est-ce que je fais? J’évalue la situation … Il est plus grand que moi, plus jeune et il n’est pas ici depuis longtemps. Moi j’ai des années derrière moi, malgré le fait que je sois en forme, je suis épuisé. Mais si je me bats avec lui, je risque d’être bien épuisé. Le choix est difficile, et je me surprends même à ne pas agir impulsivement. Je croise les bras et j’observe à l’extérieur, derrière lui. Cette prison, je vois mal comment m’en sortir. Parfois je me demande ce que je fais à tenir le coup pour quelque chose d’aussi éphémère … Je décide d’attendre, un parole qui me feras sortir de mes gonds.
Qu’est-ce que je suis devenu sérieux avec le temps! Pour le reste je verrai, je ne doute pas qu’il trouvera une autre réplique bien cinglante, qui me feras échapper mes poings. Malheureusement pour lui ou pour moi, je n’en sais rien, et ne faut pas me sous-estimer, je suis très fort. Mais je ne sais pas si je le sous-estime lui par contre. J’ai toujours été assez bon pour évaluer la force, et j’ai bien l’impression que si je dois me battre avec lui, le combat risquerait d’être difficile.
Mais c’est exactement ce que je souhaite non?

Etrange. Il se met à applaudir. Encore cela aurait-il été avec enthousiasme, cela m’aurait surpris mais pas intrigué. Pourquoi cette ironie dans le rythme d’applaudissement. Ces bruits qui résonnent lourdement contre les murs humides m’étonnent et m’agressent. Un tel acte aussi évidemment ne peut être suivi d’aucune explication. Forcément, son geste n’est que l’introduction de paroles que je devine acerbes mais qui finalement me surprennent. Je m’étais mépris.

« Bravo mon gars … Mais ici tu te feras remettre les pieds sur terre … Ton statut … Parce que visiblement tu en as un, ils vont se le foutre bien profondément à un endroit que je te laisser imaginer.
- Oui, en effet : dans le crâne. »

Sa remarque est véridique. Après quelques jours passés dans cet établissement de repos forcé –quoique, il y a encore cette histoire de lingerie qu’il faut que j’aille élucider – tous seront obligé de reconnaître ma supériorité et mon statut qui y est associé. Et j’ai déjà l’esprit bien sur terre. Je ne m’occupe pas de poésie. Mes objectifs sont clairs et sensés : je m’évade, je finis ma vengeance et je continue ma vie. Je ne saisis pas la relation entre son applaudissement moqueur et ses paroles. J’hausse mentalement les épaules : la question est insignifiante. Mais son tutoiement tout de même me vexe. Je ne suis ni son chien ni son ami. Ne pourrait-il me vouvoyer comme il se doit ?

Il se relève. Je le dévisage avec un mépris blasé. Essaierait-il d’approcher mon niveau de grandeur par ce geste ? Futile. A jamais. Comme souvent lorsque je sens mon exquise supériorité, je mets mes mains dans mon dos, le toisant sans ménagement. Je ne cherche pour autant pas à deviner ce qu’il va faire. De telles bestioles peuvent-elles vraiment avoir une conception du futur et de l’avenir ? Je suis persuadé qu’elles ne savent pas planifier quoique ce soit. Pourquoi chercher à prévoir ce qu’il décidera de faire en l’espace d’un pouillème de seconde ? D’ailleurs, il m’adresse la parole :

« Sérieusement, j’ai rien à faire d’une pourriture comme toi. Des attardés, j’en ai rencontré des tas. Si tu crois pouvoir me surprendre …
- Cela sera facile : je suis ponctuel. »

Ce ne serait que plus tard que je me rendrais que je m’étais trahi ici par ma compréhension de son vocabulaire en plus de mon léger accent anglais qui survenait de temps à autres. J’avais confondu attardés et retardés. Mais si j’avais fait cette erreur que je jugerais impardonnable par la suite, c’était uniquement parce que mon esprit s’était arrêté à l’injure qu’il venait de me faire. En temps normal, j’aurais pris l’identité des témoins, contacté mes avocats et porté l’affaire devant un tribunal pour diffamation. Nous n’étions pas en temps normal. Il était temps que se réveille dans mon sang la chevalerie de mes ancêtres, de la famille Sinclair. Je pressentais déjà que je n’en serais pas à me déganter et à souffleter mais que les choses évoluant, j’aurais à dueller pour faire respecter ma supériorité. Duel qui si cela se trouvait commencerait incessamment mais pour l’instant, je n’en étais pas là. J’étais encore homme de parole, je parlerai.

« Moi ? Une pourriture ?... » J’eus une expiration méprisante. « Si je suis pourriture, qu’es-tu ? Un misérable ver ou un vulgaire microbe ? »

Lorsque je terminais ma phrase, un soupçon de déception me traversa le cœur : je craignais soudain d’avoir été trop indulgent. Enfin, bon. Quand s’éloignerait-il ou l’insecte préférerait-il affronter les foudres de ma colère ?

Je dois être malade … Car je crois que ce genre d’histoire commence vraiment à m’amuser. Il doit y avoir trop longtemps que je n’ai pas eu d’ennuis, ressentit l’adrénaline d’un combat ça doit me manquer cruellement pour me donner envi de sourire. Et effectivement je souris, d’un air mauvais certaine, mais c’est de l’amusement. Je m’amuse, car j’en ai assez de ne rien foutre dans cette fichue prison. A Sadismus il y avait Maybeth … Ce souvenir me faisais toujours beaucoup de mal alors j’évitais de m’attarder dessus, songeant plutôt au fait qu’elle allait s’en sortir mieux que moi et cela me calmais. Je lui souhaitais tout le bonheur du monde, et je la remerciais d’avoir ajouté un peu de lumière à ma noirceur.
Il me répond, j’ignore ses réponses plutôt incohérentes. Jamais de toute ma vie je n’ai rencontré un homme aussi imbus de lui-même. Alors qu’il se trouve dans la même situation pathétique que moi, il prend ses grands airs et tente de me ridiculiser.

Le problème, c’est que cela ne fonctionne pas très bien sur moi, et au contraire, il ne me vient qu’une envie encore plus massacrante de lui enfoncer mon poing dans la gueule. Je crois que je vais bientôt laisser aller mes pulsions d’ailleurs. Je n’ai jamais eu une aussi bonne maitrise de moi. Il serait temps d’évacuer les tensions n’est-ce pas? Aussi imprévisible que je peux l’être parfois, alors que je suis relativement près de lui, je lui enfonce rudement mon poing dans le ventre. Oui je l’épargne un peu. Je suis gentil non? En fait j’ai bien envi de le voir se pencher de douleur, pour qu’une bonne fois pour toute je lui montre qui est vraiment supérieur.
Oh je suis loin d’être narcissique, mais il commence à me gonfler avec ses airs de supériorités. Me moquant toujours de lui, je redresse le menton avec amusement et je dis :

« Ah mais qu’est-ce que je suis fort hein! Je dois vraiment être supérieur … Je devrais baiser mon sang royal! »

Je me mis à m’embrasser les poings. Une fois de chaque côté. Je reprends ensuite rapidement mon sérieux et je m’approche davantage de lui. Je tends mon index durement contre sa poitrine. Je lui donne quelques brefs petits coups, j’aimerais bien qu’il m’écoute et qu’il comprenne que je n’aime pas du tout me faire traiter comme il le fait. Il se fera apprendre la politesse. Moi j’ai appris à me calmer, il aura ses leçons également. Même si il risque de ne pas me croire maintenant.

« Le ver bouffe la pourriture … » dis-je sèchement.

J’arrête mes grands élans théâtraux, il faut dire que j’agis rarement comme cela, préférant les phrases brèves qui vont directement aux poings. Je ne suis pas très bon acteur alors tout ce que je peux dire semble assez faux avec moi. Je suis un homme très sincère. Ma dernière phrase sur les vers sonne bien plus vrai que celle où j’ai embrassé mes poings. Je ne me sens pas supérieur, je ne joue pas la comédie moi. Je suis seulement Carl Hyde … Mon doigt toujours pointé vers lui, je poursuivis d’un même ton agressif :

« Je suis un tueur, au même titre que toi … Que tu es tué en portant de jolis vêtement ne fait pas de toi un homme meilleur que moi. »

Je le fixe, puis je décide de faire quelque chose qui risque de le répugner au plus haut point. Rapidement, je lui crache à la figure. Habituellement je trouve que c’est plutôt désespéré comme acte. Mais en ce moment, je dois dire que c’est par dédain envers cet homme qui se croit si meilleur à moi. Il n’est rien d’autre qu’une ordure, comme moi. Nous sommes des criminels, il n’échappe pas à la punition. Ensuite si il est assez malin pour trouver un moyen de partir, il devrait l’être également pour comprendre qu’il vaut mieux m’avoir comme allier que comme ennemi …
Encore une fois je reste et je ne bouge pas, affrontant son regard sans broncher, je ne montre pas la moindre parcelle de peur ou de crainte. Je me tiens droit et j’attends maintenant sa réaction, celle à l’égard de mon cracha risque de vraiment m’intéresser.

Je sentais cette substance chaude et poisseuse sur ma joue. Je l'enlevais du coin de ma manche. Un sourire me prit aux lèvres, un sourire un peu mauvais et étrangement, c'était surtout un sourire franc. Il attendait une réaction, c'était évident. Je commence à défaire tranquillement chaque bouton de ma chemise, en commençant par le bas. Ma voix se faisait tranquille, démontrant ainsi mon assurance personnelle. Tout en parlant j'enlevais ma chemise :

"En l'an de grâce 1392, mon ancêtre, Herfold le Jeune, alors qu'il discutait avec ses serfs fut lui aussi craché dessus par un Jacques. Cela n'a eu qu'un seule minuscule conséquence : il fut atteint par la lèpre et mourrut quelques années plus tard. Aussi, depuis cette histoire, nous n'avons qu'une seule règle concernant la bave paysanne : un retour à l'envoyeur !"

Je terminais ces mots en lui lançant ma veste au visage. Fléchissant sur mes jambes, je m'approchais prestement et lui lança mon poing également dans l'estomac avant d'enchaîner par un triplé 'crochet gauche droite uppercut'. Je reculais tout aussi rapidement. Ma retraite avait été pour plusieurs raisons. En me frappant, il y avait quelques minutes, il m'avait démontré une force que je ne possédais pas. J'avais presque mis genou à terre tant il m'avait coupé le souffle. Je savais désormais qu'il me fallait me méfier de sa puissance. Sa force, je ne l'avais pas possédée et je ne l'aurais pas. Il fallait que j'évite au maximum de me faire toucher en comptant sur mon jeu de jambe et mes déplacements. Chose en laquelle j'étais très bon.

Je tournais circulairement autour de lui. Cette salle était mon nouveau ring et je n'allais pas tarder à retrouver mes réflexes d'antan. Je ne regrettais qu'une chose pour le moment : avoir arrêté mon enchaînement à un triplé. J'étais encore trop bon et généreux. Je n'avais voulu le punir que de son insolence pour ses gestes. Mais bon ! On ne change pas près de trente ans de miséricorde en un jour. De plus, ses paroles me gênaient.

"Sache, vaurien, que je ne suis en rien au même titre que toi."

Il n'empêchais qu'il aurait semblé évident à n'importe quel spectateur que nous avions tous les deux envie de nous mettre aux poings. Pour ma part, j'avais envie de me détendre de cette tension et déception qui m'habitaient depuis mon arrivée ici, il y avait à peine quelques heures. Casser du gueux me délasserait.

J’écoute sa petite histoire, elle ne manque pas de m’amuser je dois dire. C’est étrange. Je suis en colère, certes. Mais j’ai envi de me battre. Il doit bien y avoir des mois que je n’ai pas ressentis cette excitation, j’ai l’impression d’avoir un adversaire à ma mesure. J’ai une sacrée force dans les poings. Si il n’a pas ça, il a certainement autre chose vu toute l’assurance qu’il dégage. Moi je suis un tireur, un homme qui vise de loin, la notion de rapidité, ne fait pas office dans mon caractère. Disons que je ne suis pas un escargot, mais que je ne mise pas sur ma rapidité. Ma force, elle est naturelle, je suis très fort, je me suis beaucoup battu, bref je sais mener un combat. Mais je suis plus habile lorsqu’une arme est en jeu, et que c’est moi qui la tient, alors si il a l’habitude des combats corps à corps, il a probablement un avantage sur moi. Il me traitait de paysan, de déchet. Je n’appréciais pas du tout. Je ne savais pas d’où il venait, mais je ne le connaissais pas, alors il n’avait pas plus d’importance à mes yeux que je devais en avoir aux siens.

Il retire sa chemise et soudainement il me la balance à la figure. Alors que je ne viens seulement que de m’en débarrasser il me frappa durement à l’estomac, me faisant ainsi plier par la surprise et la douleur. Sa rapidité m’avais beaucoup surprit. Il enchaine, par deux crochets et un uppercut. Je recule, surpris et légèrement assommé. Je l’ai sous-estimé, parce qu’il est rapide et que moi c’est plutôt ma faiblesse. Ce qui veut dire que lorsque je l’atteindrais, je ne devais surtout pas le rater. Il ne semblait pas apprécier mes paroles. Tient oui c’était vrai que je m’étais surpassé, je m’adressais rarement de cette façon envers d’autres personnes, mais il fallait bien laisser sortir les stupidités de ma bouche parfois. C’était tombé sur lui. Et malheureusement pour cet homme, j’étais loin d’être du genre à abandonner lorsque je venais de me manger quatre coups de poings.
Il tournait autour de moi, la façon dont il se battait ne me laissa pas perplexe longtemps … C’était de la boxe ça. Je connaissais quelques formes de combats, mais je n’avais jamais appris la boxe. Il me traite de vaurien, et me dis qu’il n’est en rien au même titre que moi. Je laisse échapper un petit rire, tient, moi je sais quel genre de personne sont meilleurs que moi. La plupart du monde en fait. Mais un autre tueur, n’est en rien meilleur que moi, un autre criminel. Non. Il commençait à m’étourdir en tournant autour de moi de cette façon.

« Tu vas m’attaquer ou bien tu veux seulement me faire vomir?! » grognais-je d’un air énervé.

J’arrêtais de bouger. Le laissant simplement tourner autour de moi comme un bouffon. Je sais comment ça fonctionne. Il cherche une ouverture pour me frapper. Je croisais les bras, je commençais à en avoir assez. J’étais ici depuis tellement longtemps … Quatre ans pour moi c’était une éternité. Si je pouvais sortir, de n’importe quelle façon que ce soit, je sortirais. Je levais un peu les bras, et puis je les mis derrière mon dos.

« Tu crois pouvoir me faire pire que ce que j’ai vécu ici? Amuse-toi, mais je veux la même chose que toi et c’est sortir d’ici. »

Je le fixais sérieusement. Les mains dans le dos, j’attendais sa réaction. Oh … Je n’hésiterais pas à frapper, mais j’avais peut-être envi de savoir ce qu’il comptait faire. Me battre, c’était devenu une situation bien ordinaire, plus rien ne me surprenais vraiment, bien que chaque combat été très différent. Non, ce qui me surprenait était de parler calmement, de chercher un moyen de m’en sortir. J’étais un con … Et je n’avais pas changé. Mais j’avais devant moi, un homme qui était peut-être fou, ou qui était peut-être une façon de m’en sortir. Et je n’allais pas laisser passer cette chance. Ensuite, c’était à lui de voir si il avait envi d’en savoir plus.

« Alors sois tu te bat avec moi … si c’est le cas, vient je t’attends, soit on discute, on risque moins l’isolement comme ça. »

Oui … je connaissais bien la prison. Et même si le couloir semblait plutôt vide, un gardien pouvait très bien passer. Ils se faisaient tous une grande joie de nous foutre en isolement pour la moindre petite altercation
Je ne voulais pas aller en isolement, j’étais probablement devenu moins impulsif simplement à cette idée. Je ne supportais tout simplement plus cet endroit maintenant. Mon regard est sincère, mes bras sont toujours derrière mon dos. Je ne doutais pas qu’il tente de me chercher encore … Mais il va rapidement me trouver si il continue.

" Tu vas m’attaquer ou bien tu veux seulement me faire vomir?!
- J'attends, que tu portes le premier coup, il faut bien que je m'astreigne un handicap pour qu'il y ait bien un semblant de fair-play."

Néanmoins, je m'arrêtais presque en face de lui, légèrement sur le côté à sa gauche. Main faible pour les droitiers. Je préssentais que si je bougeais encore, il n'osera pas se lancer. Il fallait parfois aider les petites gens, n'est-ce pas ? De toute façon, il ne pourrait pas gagner face à ma supériorité. Mais, je l'entendis avec surprise plutôt essayer de parlementer. Lui faire pire que ce qu'il avait vécu ici ? Je m'en fichais. Seul m'importa ce qu'il annonca par la suite. Il désirait sortir ? Je reculais d'un pas. Peut-être avait-il dit cela pour faire diversion. Je préférais me tenir à distance. Et puis, ici tout le monde voulait sortir ! Les gardiens également sans aucun doute vu la densité de population des environs. Il était les mains dans le dos, une impression de confiance en soi émanait de sa personne par cette attitude. Qu'attendait-il ? Ce fut alors qu'il reprit sa menace entre le combat et la discussion. J'avais été élevé dans l'optique que le dialogue était la pire guerre qui pouvait être, que les mots étaient bien plus acérés que des épées, et je savais que c'était un combat où j'aurais indubitablement plus de chances de gagner. Quoique. Il fallait que mon adversaire fut un tant soit peu civilisé.

"Tu m'intéresses. Parlons de choses sérieuses avant, nous pourrons toujours reprendre ce petit compbat et nous délasser plus tard."

Je lui tourna le dos en m'éloignant et me dirigeait vers les boxes des visites. Je m'emparais d'une chaise et la fit pivoter vers lui. Le crissement entre le métal de la chaise et le granite était étrange. C'était un son peu courant. Je me demandais également pourquoi cette chaise n'était pas fixée au sol et laissée à disposition des prisonniers. Il devai bien y avoir ici un spécimen de foire capable de tordre ce morceau de fer. Je m'installais sur cette chaise, croisa une jambe par dessus l'autre et posa mon coude sur le bois de la tablette des visites. Mes doigts frôlaient ma joue. Comme à mon habitude, je me trouvais en tant que seigneur face à un roturier venant me demander audience. Un fin sourire surgit sur mes lèvres. Un sourire témoignant d'une puissance que je savais être mienne.

"Bien. J'ignore depuis combien de temps tu es ici mais il faut croire que soit tu as échoué à t'évader, soit tu n'as pas étudié assez comment sortir d'ici. Pour ma part, je recherche des..."

Hommes de main ? Nègre ? Gros bras ? Gorille ? On redescendait dans l'évolution. Cela ne risquait certainement pas de lui plaire mais je ne pouvais pas décemment lui avouer que je recherchais de la chair à canon.

"Associés."

Je laissais passer un silence, pesant sur mes mots. Ou plutôt mon mot puisque je n'en avait prononcé qu'un seul, qui d'ailleurs m'écorchait la bouche. Moi ? Associé de ces va-nu-pieds ? J'en aurais vomi mais hélas, notre famille en était arrivé là où elle était que grâce à un unique concept que j'appliquerais sans problème : l'adaptation. Même s'il était hors de question que je me départisse de ma noblesse naturelle. C'était clair comme de l'eau de roche. Je décroisais les jambes et m'enfnçait un peu plus royalement dans ce siège de plastique qui courbait sous le poids de ma grandeur.

"Si je t'intègre, que peux-tu m'apporter... ?"

Ce fut à ce moment que je me rendis compte que je ne savais pas son nom. Le gardien l'avait mentionné mais il était passé aux oubliettes, à l'isolement aurait plutôt dit ce prisonnier en face de moi. Je me débrouillerais pour l'apprendre plus tard. Ce n'était pas important pour le moment. En tout cas, je me demandais s'il comprenait les subtilités de mes mots, de mon discours...