Sont toujours pas mortes d'ailleurs. [PV Jay']

Tralalala une journée moisie, tralalalalala une journée moisie, tralalalalala... Oui, en fait je dois faire la vaisselle, palpitant hein ? Oui je sais, c'est triste. Excusez moi, je ne peux pas que je me faire mettre par tous les trous dans les toilettes, je fais des trucs bateau aussi parfois, comme la vaisselle. Faut bien la faire, et c'est pas les autres feignasses qui vont se taper ça hein. Bon, évidemment, c'est pas la vaisselle de tout le repas des autres cons posés à l'ombre, c'est les trois tasses dans la salle commune, mais quand même ! Puis y en a plus que trois, et y a des assiettes avec des morceaux de pizzas séchées dessus en plus. C'est pour ça que j'ai demandé d'une voix stridente de l'aide, espérant un truc du style « mec sympa à l'oeil », mais non, une fille ! Une putain de fille ! J'vous ai pas dit que j'étais gay ? Si ? Oh ! Bah si vous voyez pas le malaise, c'est que moi les filles bah ça m'excite pas, déjà, d'une, de deux je ne les aime pas. Du tout. Je les comprend pas, tout ça. J'y vois peut être des sortes de rivales, je ne sais pas. Donc quand une petite nana vient avec un grand sourire y mettre la patte, j'ai eu une vague grimace et j'ai même pas moufté. Evidemment, elle a mal interprété mon silence et s'est mise à parler, parler, parler. J'ai rien écouté, sauf quand elle a fait une remarque sur mon slim en cuir, comme quoi il était beau. J'ai dis merci et j'ai re-baissé la tête. C'est fou, elle arrêtait pas de sourire et de me raconter sa vie, prenant mon silence gêné pour de la timidité. Un putain de malentendu.
En parlant de malentendu, Jayden, il a prit comment mon départ précipité ? J'ai réfléchit à ce que j'allai lui dire si je le recroisais, et ça serait un truc du style « j'avais plus de cocaïne, j'étais en manque désolé ». Un truc bidon quoi. Enfin il avait pas l'air casse couilles et collant comme mec, j'espère je pense qu'il s'en remettra. Puis dire la vérité puerai un peu du cul, surtout que je suis incapable de me rappeler pourquoi au juste j'ai paniqué. Oh, ça doit pas être très important en fait, je crois. Jayden m'a rien dit pour la cocaïne (mon test pour savoir si un mec est chiant ou pas, si il s'inquiète pour ta petite santé fragile), il devrait rien dire pour ça. Si je le recroise. Je crois que j'aimerais bien, je sais pas trop pourquoi, la voix sans doute, et j'aime pas qu'on soit indifférent à ma personne, oui je sais je cultive le paradoxe.

- Hein pardon ?

Elle répète sa phrase. Café ? Ville ? Pardon ? Où quand comment pourquoi ? Ah merde, ses coups de hanches n'étaient pas involontaires, oh pute. Alors, euh, comment te dire... Evidemment, je bafouille, évidemment tous les gens présent ricanent, parce que eux savent ce que cette pauvre fille ignore. Mais comment on peut passer à coté putain ? Je passe la moitié de ma vie perché sur des talons-aiguilles ! C'est une mauvaise blague c'est ça ? Une caméra cachée ? Pourquoi elle me regarde, tout sourire, avec ses yeux de truies là ? Elle trouve ça drôle ? Je me mets à bafouiller, les yeux plein de panique et des plaques rouges dans le cou (chacun sa façon d'exprimer le stress) et encore une erreur d'interprétation, elle m'embrasse.
Dieu, ça fait bien minimum dix ans qu'une nana m'a pas touché de cette façon là.
Bon, elle a fermé les yeux pendant qu'elle me smackait, moi je les ai gardé grands ouverts, complètement écarquillé, genre j'essaye de les faire tomber de leurs orbites, et je me suis senti tellement con de rien avoir vu venir, tellement con de pas savoir gérer le truc que j'ai rien fait, mais alors rien du tout. Elle m'a parlé de sa vie, elle m'a proposé un rencard que j'ai pas refusé (enfin j'ai dit un truc du style « ben euh en fait comment dire euh »), à ses yeux je suis l'homme (timide et rougissant) de sa vie. Tout le monde se marre, mais cette conne remarque rien ! J'sais pas, c'est parce que je porte pas de sous-vêtements (un boxer avec un truc trop moulant, ça pue un peu des fesses la marque tout ça), c'est sexy, je sais pas, je comprends pas et je veux pas savoir. En tout cas je savais pas non plus que je pouvait donner le rouge au joues et la lumière dans les yeux d'une fille. En tout cas cette conne y croit très fort, je la regarde avec un air de mouton perdu au milieu du festival international du méchoui (oh oui tu l'aime cette tête là hein ?), et je sais pas ce qui se passe dans sa tête, mais elle le prend pas mal.
Dieu, envois moi un deus ex machina.
Ah bah tiens, quand on parle du loup, on en voit la...
BITE.

Ronde dans le quartier des prisonniers avec équipier et un clébard ; faite. Je ne comprends absolument pas pourquoi y’a des fois où tu te tapes cette foutue ronde tout seul comme un con et que d’autres si t’y vas pas avec le collègue et son clebs, c’est la fin du monde, t’es passé à côté de la mort, et d’ailleurs tu vas être radié de l’ordre inexistant des gardiens de prison. Mais ça fait bien longtemps que je ne cherche plus à comprendre les bizarreries administratives, et j’ai fait mon boulot, même qu’il ne s’est rien passé et que c’était chiant, donc maintenant j’vais aller rôder en cuisine pour choper du café, qui est bien le seul truc bouffable de tout ce réfectoire. En soi c’est un genre d’exploit si tu veux, faire des trucs aussi dégueulasses personne y avait pensé ! Pourtant je suis pas un mec difficile, hormis les moules j’mange de tout (j’ose espérer que vous avez noté le pur jeu de mots là) mais là c’est record du monde de bouffe dégueu. Le problème c’est que j’ai jamais trouvé le chef pour lui casser la gueule (comme si j’étais un homme violent), donc ça reste dégueulasse. Pas sympa.
Le réfectoire est désert quand je le traverse, et j’écoute vaguement mes bruits de pas qui résonnent dans la grande salle vide, regardant autour de moi sans me soucier de mes cheveux qui me tombent sur l’œil. Je pousse la porte des cuisines d’une main, et là miracle y’a du monde, genre une dizaine de personnes. Quelques uns me dévisagent depuis que je suis rentré, et je relève mon regard sombre sur eux, ce qui leur donne immédiatement l’envie de regarder ailleurs. Je suis super bon en air pas gentil du tout, et ça donne droit à de menus avantages de ce genre-là, ce que j’apprécie.
Cela dit y’en a deux ou trois qui m’ont pas du tout remarqué parce qu’ils sont en train de rire plutôt bruyamment, et je me dirige vers l’oasis de café de cette prison où il fait franchement un peu froid (j’arrête pas de tirer sur les manches de mon pull pour qu’elles couvrent bien mes poignets), distrait. Une fois une tasse en main, je me retourne pour voir la scène qu’il y a de si drôle, et je vous avoue que j’ai bien failli en recracher mon café. Finalement je me suis seulement brûlé la gorge et j’ai avalé un peu trop rapidement le liquide brûlant, mais au moins, j’en ai foutu nulle part ailleurs que dans ma tasse et dans ma gorge. Une fois mes considérations sur le café achevées, je relève à nouveau les yeux sur la scène ; y’a une nana qui embrasse Irvin.
Irvin, vous savez, le mec qui m’a sauté dessus dès le jour de mon arrivée, comme un affamé, et que j’ai fini par baiser dans ma piaule … Donc oui, celui-là, drogué, les yeux verts brillants etc, je m’en souviens parfaitement bien. Donc cet Irvin là, y’a une nana qui l’embrasse. Et ça a tendance à me laisser très con, parce que ce mec, s’il aime pas la queue j’sais pas ce qu’il aime dans la vie.
Moment d’ébahissement passé, j’en viens à me demander le pourquoi du comment. Les mecs ricanent comme des cons, Irvin est rouge brique et reste con, et la nana ne se rend compte de rien ; okay finalement effectivement il aime la queue, mais il arrive pas à le dire, sûrement paralysé par l’aveuglement de certaines. Qu’il se plaigne pas, moi ça m’arrive tout le temps, j’dois avoir l’air d’un hétéro. Bref, un court regard autour de moi, et il me semble que c’est à moi d’intervenir, parce qu’il y en a que ça amuse et qui n’arrêteront ça pour rien au moins. L’égoïsme des gens, je te jure …
Donc je repose posément mon café sur la table, et m’avance sur Irvin et l’inconnue, mâchoires serrées pour me donner une expression encore plus agréable que d’habitude ; je constate avec contentement que ça marche, parce que la donzelle me jette un regard un peu inquiet, puis regarde Irvin à nouveau, en attendant certainement une réponse à une invitation à sortir ou je ne sais quoi … Faut vraiment que je me charge de tout ici. J’attrape gentiment le bras d’Irvin entre mes doigts, et souffle de ma voix super basse et ronronnante à la nana :

« Désolé, mais il est pas dispo. Et les autres jours non plus, cherche pas. »

Sourire de traviole, et j’entraîne Irvin dans les couloirs gras qui se trouvent derrière la cuisine, dégainant mon paquet de clopes en lui tendant une :

« T’as l’air d’en avoir besoin. »

Le tout avec un sourire … ouais, gentil, j’suis un mec correct avec mes plans culs. Comme j’ai pas pu terminer mon café et que ça me manque, je coince une cigarette entre mes lèvres et l’allume rapidement. Pour la conversation, je compte sur Irvin, qui parle foutrement beaucoup.

Et je sais plus où me mettre, et je suis affreusement gêné. Elle continue de me regarder, et je sens les secondes s'étirer lentement pour faire durer le plaisir.
Mais Jayden arrive.
Lui il va me sauver, ou alors il va me laisser me vautrer dans la merde. Même si il fait la gueule, je suis super content de le voir. La nana pas trop, et je la sens se rapprocher de moi légèrement, genre je vais la protéger tout ça. Mon cul, moi c'est plutôt les Jayden que les Filles Collantes qui me bottent, tu vois ? Donc quand monsieur me prend par le bras et lui baragouine un truc quant à ma disponibilité, je me contente de me rapprocher un peu de lui. Pas pour faire mon gros obsédé tout lourd, juste pour signaler que j'approuve ce qu'il dit, et je vois la nana prendre un air hyper déçu et rougir violemment. Je hausse des épaules et je lui fait un sourire gêné, et c'est sincère. Je pensais pas qu'une nana pouvait me draguer, et j'étais pas trop préparé à la situation.... Enfin tu vois quoi, voilà.
Jayden, en fait, même si il est pédé comme un foc, c'est un homme un vrai,vu comment il m'entraine dans les couloirs sans trop me demander mon avis et tout ça. J'aime bien, ça va bien avec sa voix et son indifférence totale, et ça provoque une envie d'avoir de l'importance à ses yeux que je n'aurais pas eu habituellement. Fun quoi, pour tout le monde sauf pour moi. C'est presque rageant d'être si con.

- Oh, merci.

Ça, c'est pour la clope, et puis le reste aussi, le sauvetage tout ça. Salaud je te suis redevable, sac à merde, suce mes couilles.

- Et puis c'est euh... J'allume ma clope, j'expire la fumée et je regarde sur le coté dans la pose appelée « air lassé sexy n°22 ». Gentil, tout ça, de m'avoir débarrassé de la fille. Je savais pas comment lui dire pour euh... Enfin t'vois quoi.

Bon, les remerciements d'usage sont fait, je peux partir maintenant ? Ah non, on m'informe dans l'oreillette que d'une ça se fait pas, de deux que en fait, j'ai pas forcément envie de partir. Mais j'ai pas toute ma tête c'pour ça ! Coup d'yeux verts à Jayden, et j'comprends qu'il ait été acteur porno vu la voix, le physique et la bite qu'il a. Merde quoi, il ferait bander un mort. Mais là n'est pas la question, y a pas que ça. Y a plein de gens qui, si tu suis strictement les canons d'esthétisme actuels, sont très canon mais que t'as pas envie de baiser pour autant. Le style, la classe, l'air du brun ténébreux tout ça, tout ces trucs auxquels je suis hypersensible quoi... Genre à pleurer parce qu'il en a rien à foutre de ma gueule la première fois qu'on baise ensemble, oui, voilà. J'me boufferai parfois d'être si con tiens. Ouais j'veux dire, Jayden il a dû me prendre pour un gros abruti émotif et tout, midinette quoi, et ça le fait grave pas. Mais à Noël, je veux le même air de corbeau top-modèle que lui qu...
Mais meuuuuuurs Jayden!

- Aynon'vaoua ?

Je fronce les sourcils, on la refait en version pas-neuneu ? Je suis vexé, mon cerveau et ma bouche sont partis en stéréo à l'insu de mon plein gré, c'est dégoûtant. J'agite la main et prend l'air contrarié du mec que son cerveau a affreusement trahi.

- Et sinon ça va toi ?

C'est sûr que louper une telle réplique, ça t'aurais fait mal au cul hein ?

Je sais pas si c’est le fait qu’une impure femme (« aaaah imagine ELLE A SES RÈGLES TOUS LES MOIS ! », dixit une pintade en crise parce qu’une nana avait osé lui rouler un patin … J’avais fini par lui dire que c’était un travelo, il s’était remis de ses émotions très vite, et avait même pu faire un commentaire admiratif « c’est drôlement bien fait »), mais en tous cas, pour le bavardage sans faille d’Irvin, on peut repasser aujourd’hui. Il me dit « oh merci » avec bien un « oh » devant du style je croyais vraiment que t’étais pas du genre à faire ça, mec, tu sais que tu viens de monter dans mon classement d’estime personnel ? Ce genre de réaction m’énerve, et il a bien du bol que je sois à peu près aussi chaleureux que la partie Sud extrême du Chili (loupé il fait pas chaud, c’est le pôle Sud !) parce que j’extériorise que dalle, et qu’il le saura pas. Même pas un tremblement de cils dis-toi, à côté James Bond, c’est une tapette (mais c’est que j’enchaîne les jeux de mots super marrants là …). Enfin, je tire sur ma cigarette et j’acquiesce vaguement quand il dit qu’il trouve ça « gentil » que je l’ai tiré des griffes hideuses de la nana du réfectoire. Jayd’n, chevalier à tout heure, à votre service, c’est gratuit et surtout fais l’étonné après. J’en grincerais des dents si c’était mon style.
Je suis vaguement en train de me demander s’il est normal d’être aussi énervé juste parce qu’un de mes plans culs ne me pensait pas du style à intervenir dans une situation de ce genre ? … Non je ne crois pas. On se reprend Jayd’n, on se reprend ! Le temps que je souffle intérieurement (ça aide vachement, ou pas) et que je mette deux ou trois claques mentales en me rappelant qui je suis (ex-collégien, ex-futur lycéen, ex-acteur X, actuel gardien de prison, le tout version Mr. Freeze), il pose une question.
À laquelle je ne capte RIEN. Fort heureusement, pour ceux qui ont pas suivi le premier coup (genre moi), il le refait ! Et ça, c’est cool de sa part. Enfin vu sa gueule y’a pas que moi qui écoutait pas, y’a aussi lui qui a dit n’importe quoi, alors forcément … Forcément si t’en as un qui sait plus parler et l’autre qui écoute que ce qu’il se passe dans sa tête, c’est sûr que ça peut pas trop marcher. Je me redresse un peu, expirant ma fumée de clopes en cendrant un peu, faussement distrait.

« Oui ça va pas mal. »

En réalité, c’est un peu le bordel dans ma tête à cause d’un dénommé Shu, mais ça va je crois que je gère. Même si ça ressemble fortement à un cyclone dans ce putain de cerveau, ça embarque tout sur son passage, ça prend toute la place et ça fait du dégât (première fois de ma vie que j’arrive pas à réfléchir à deux trucs à la fois en même temps … C’est flippant !) Sans compter les fois où j’reste à rêvasser dans le vide pendant dix bonnes minutes … J’avais 26 ans, merde, pas 12 de moins !
Enfin bref, toujours est-il que comme je ne suis pas n’importe qui mais le froid et énigmatique (très énigmatique) Jayd’n O’Clock, je me dois de faire un peu gaffe à mon image de marque, en l’occurrence auprès d’Irvin alias PC1. (Plan cul numéro 1.) C’est sûrement pas exactement sympa de le surnommer comme ça, et en fait c’est carrément inutile puisque je me rappelle très bien de son prénom. Il faut dire aussi que j’ai pas non plus fait des ravages dans la population masculine actuelle des Terres Brûlées, même si j’ai la très nette impression (la façon dont ma braguette attire les regards … masculins, sûrement) qu’il y en a pas que deux ou trois qui seraient partants. Soit c’est moi qui leur fait cet effet-là et c’est bien la première fois de ma vie, soit le Luxembourg et ses prisons attirent les pédés. Je penche plutôt pour la deuxième solution, c’est un peu moins flippant que la première (surtout que j’ai RIEN demandé moi, et que ma situation actuelle me convient très bien).
C’est là que s’ensuit une question extrêmement importante ; quelle est ma situation sexuelle actuelle ? … Cerveau en surchauffe, on va tenter d’éviter la panne.

« Et toi Irvin, en forme ? »

Bon tu m’excuseras, le regard fixé sur ton entrejambe, c’était pas super fin, surtout pas assorti avec ma phrase, mais j’avais besoin de penser à autre chose … Maintenant.

HJ : J'ai des circonstances atténuantes pour tout ça, i will explain.

- Ouais ça va...

Et donc comme le digne neuneu que je suis, je suis son regard pour atterrir sur ma braguette. Ah. Je vois qu'on perd pas de temps hein, faudrait pas prendre la peine de faire semblant d'avoir de la conversation ou de s'intéresser à autre chose que mon anus. Je suis déçu. Tant mieux ! Plus vite on s'y mettra, plus vite on sera à poil, plus vite on prendra notre pied, plus vite je me sentirai mal à l'aise, oh chic. Je m'approche d'un pas de lui, sachant la suite inévitable. Non, il ne va pas me violer, je suis consentant. Nous l'avons déjà fait après tout, mais je suis pas assez défoncé pour que ça soit aussi évident que la première fois. Hum, il fallait un sacré culot pour m'y prendre comme je m'y étais pris.
S'est il vexé que j'ai voulu direct coucher avec lui parce qu'il était acteur porno ? Sans doute, peu importe, trop tard de toute façon.

- Faut pas faire semblant que ma conversation palpitante t'intéresse hein

Non je suis pas vexé, non c'est pas méchant, puisque je m'approche encore de lui. J'ai envie de sentir sa respiration chaude contre moi, et entendre sa voix de jaguar, quelque chose d'idiot de ce style, mais j'arrive pas à le faire s'intéresser à moi. J'y arrive pas. Et ça m'énerve. Je parle pas sexuellement, là y a pas de problème, y a jamais eu de problème, mais tomber sur le Mr Freeze du sexe et du sentiment, c'pas évident. Bah j'voulais une salope, j'en ai une, et j'veux mieux. Mais quel chieur je suis, vraiment. Tu veux pas sourire, avoir l'air timide, regarder ton pied droit, mettre une main dans ta poche, rougir comme tout le monde ? Non, toi tel un automate, tu matte mon sexe, sans préambule comme ça bam. La seconde fois il aurait été de bon ton de m'offrir un resto, quelque chose comme ça, montrer que t'as du grisbi, non ? Oh puis merde je sais plus ce que je veux moi ! On dirait une nana, j'ai des rêves de catin tout ça tout ça. Enfin j'aimerais bien en avoir, mais j'suis pas très bijou et les draps de soies euh bon... Voilà quoi. Plus jeune, être une pute de luxe était l'idée que je me faisais de l'avenir, maintenant non. Je crois que finalement, être une caricature me tente plus trop, j'ai pas envie de tailler des pipes à des hommes politiques, j'ai pas envie d'avoir un cul bizarre, j'aimerais bien être adulte.
Meuuuuurs Jayden.

- Et quoi de beau sinon ?

Une connerie à sortir, peu importe.
Je m'approche de lui encore, profitant de la distraction cérébrale que constitue mes paroles (ah ah), petit à petit j'arriverai peut être à le toucher. Le message envoyé était très clair : Mon cul. Maintenant faut que j'assure niveau réception, et que je bouge les fesses pour renvoyer mon télégramme. Sodomie dans ton lit. STOP. Un peu timide pas exprès désolé. STOP. Malheureusement j'ai paumé ma machine dans la poche droite (évidemment je peux pas mettre mes mains dans mes poches, un taille 32...) de mon futal en cuir et me faire un rail dans le couloir ça le fait moyen. Mais putain pourquoi j'ose pas ? Ah oui c'est vrai, j'aime pas mettre mes mains sur la glace, et Jayden essaye actuellement d'incarner le roi des glaçons (il y arrive bien).
Allez on prend sur soi.
Self control.
Meuuuuuurs Jayden.
Je le prend par les hanches et je l'embrasse tellement rapidement qu'on peut à peine appeler ça un baiser, et je remet ça plus profondément. J'ai une sueur acide et froide derrière les cuisse et dans le dos, j'ai l'impression d'être à mon premier patin, avec une fille, celui qui a été immédiatement suivi de mon dépucelage. Great.
Ca vous manque ?
Okay, je la ressort.
MEUUUUUUURS JAYDEEEEEN !

Je sais pas trop comment l’exprimer sans prendre un air hautement révolté et ridicule, mais j’trouve qu’il y a beaucoup de conneries là. Je sais pas pourquoi ça me prend d’un coup alors que j’devrais à être des milliers de kilomètres de penser à ça, mais y’a comme une putain de claque qui me fait prendre conscience là, un grand coup dans ma gueule. Ca m’empêche pas de refermer les mains sur les hanches d’Irvin, l’attire contre moi, et l’embrasse. Plus doucement. Plus gentiment. J’aurais pas dû lui matter direct la braguette, c’était une belle connerie. Je suis pas le roi de la subtilité, et là j’l’ai bien prouvé, j’me suis bien enfoncé, bravo Jayd’n, c’était inutile.
En plus, doué comme je suis pour les relations sociales, j’arrive pas à savoir ce qu’il pense le type-là. Sentir ses os trop saillants sous mes doigts, ça j’y arrive bien parce que tu peux pas les louper (putain, il bouffe jamais ou quoi, il est maigre comme … comme quelque chose de très maigre), par contre savoir ce qu’il pense, ça … Puis c’est pas le genre de trucs que tu demandes. « Hey Irvin, j’me demandais, à quoi tu penses au fait ? » Non parce que pour le baiser, j’suis champion, il comprend très bien mes invitations super peu subtiles, et il s’y plie alors qu’il aurait pu (aurait dû) m’envoyer chier très loin pour muflerie totale, et après …
J’sais pas, j’me sens fatigué de moi, j’ai l’impression que j’sers à rien.


J’ai fait beaucoup de trucs cons malgré les airs glaciaux et assurés que j’veux me donner. Faire du porno, c’était une grosse connerie, j’aurais pas dû, et j’aurais pas dû à moitié remballer Irvin en le mattant aussi peu subtilement. Les airs froids, c’est super efficace pour éloigner les cons, c’est ballot quand ça devient handicapant ; et ces derniers temps c’est souvent.
Je laisse glisser mes mains contre ses reins, sans passer grassement immédiatement plus bas, j’aimerais bien me rattraper pour toutes les conneries que j’aligne, même si je crains que ça soit un peu trop tard. Je pense pas qu’il m’en veuille, c’est moi qui m’en veut, et c’est carrément pire. Plus mordant, comme truc, plus vicieux, j’aime pas m’en vouloir, parce que je suis un juge sévère. Pour éviter de trop penser (j’ai le cerveau qui s’emballe sans me demander mon avis ces derniers temps, ça frise la surproduction d’hormones là-dedans), je laisse ronronner ma voix, pas très loin de son oreille. Je sais faire le pas trop méchant aussi, faut juste que j’arrive à … lâcher un peu de lest. C’est pas facile.

« De beau … Hm … »

Allez vas-y Jayd’n, tu peux dire un truc gentil j’te jure c’est qu’un entraînement.

« T’es là, c’est déjà pas mal. »

Finalement c’est pas sorti aussi difficilement que ce que je croyais au départ. Et c’est même pas un compliment. J’ai pas dit à la nana d’aller se faire foutre parce que j’avais pitié de lui ; j’voulais pas qu’elle le touche, ça m’énervait. J’arrive plus trop à penser normalement, c’est pour ça que je retourne l’embrasser, des fois que ça me redonne mes facultés cognitives, on sait jamais.
Puis à tous les coups c’est paumé pour de bon, et j’vais me faire franchement mal avec toute cette histoire …
Si j’ai déjà eu mal ? … J’te le dirais pas.

C'est dingue, j'ai l'impression de chier du marbre avec ce mec, mais spirituellement. C'est lourd, ça fait mal et ça fout vaguement mal à l'aise quand il est là et qu'il fait son insensible, j'ai jamais vu ça. J'ai pas l'air con avec mes petits problèmes d'ego et tout ça, face à un mec qui en a visiblement rien à branler. Ma remarque concernant son manque de conversation l'a même pas ébranlé, et je suis tout seul avec ma merde, ma conscience, mon mal être, ma connerie, ou tout ce que vous voulez qui sonne dramatique. Ça doit le faire gentiment marrer intérieurement hein ? Oui, sans doute, ma petite gêne que j'essaye de rendre invisible avec mes baisers et mes remarques assassines doit être d'un ridicule affreux. Enfin remarqué, voir une salope jouer à la pucelle effarouchée doit être un délice de fin gourmet pour ce mec, il doit en voir passer du con, du beau, du lourd, du qui s'assume pas mais alors pas du tout.
En fait, j'essaye de tendre vers un idéal que Jayden a l'air de parfaitement maîtriser : le mec qui n'en a rien à branler. On baise tant mieux on baise pas tant pis, pendre le plaisir pour ce qu'il est, du plaisir, et pas faire de considérations morales sur le sujet. C'est très naïf, je sais, mais j'aimerais bien être comme ça, pas me sentir mal à l'aise face à un coup d'un soir parce qu'on a partagé une certaine intimité et que ça me répugne. D'où la drogue. C'est bien pour ça la drogue, ça enlève les inhibitions, et c'est tout ce que je veux. Quitte à finir comme Mia dans Pulp Fiction, rien à foutre, je veux juste pas avoir obscurément envie de pleurer quand j'embrasse. Il fait descendre ses mains sur mes reins, et je frissonne. Pas de plaisir appréhendé, mais de trouille. Par contre, ça, pour qu'il le sache, il peut courir loin et longtemps le gars.
Il me sort un compliment, et il sonne tellement faux que j'arrive pas à y croire suffisamment pour sourire sincèrement – mais je le fais quand même – parce que je le suis pas, beau. Encore le syndrome de la pucelle effarouchée, parce que si je simule relativement bien la confiance en soi, j'arrive pas à me convaincre que je suis quelqu'un d'intéressant ou de beau. J'me dis que je serais forcément plus intéressant avec un beau tableau de chasse derrière moi en fait, tout comme l'émission Zone Interdite fera toujours plus d'audience avec ses programmes plein de cul et de glauque que Capital avec ses bourgeois auquel ils n'arrivent rien (Capital a d'ailleurs été déprogrammé il me semble), tout comme Christiane F. a vendu des gazillions d'exemplaires de son bouquin si trash et Jean d'Ormesson moins. On voit là ce qui plaît au gens, la contemplation de la misère humain et des comportements extrêmes. Plus ou moins consciemment, j'ai peut être voulu incarner tout ça pour être moi aussi intéressant, et si Jayden a l'air de vivre parfaitement sa vie d'ex-acteur du X, moi c'est pas mon cas, mais je peux pas tout lâcher et aller vivre sur une île déserte avec mon amour propre en miette, j'suis trop bien lancé dans la connerie pour ça.
Bon allez on va chez toi Jayden ? Ou peut être pas tout de suite, j'appréhende un peu la douleur vois tu. Ouais, connement, j'ai peur d'avoir mal, et ça me rebute un peu, mais ça aussi je vais pas le dire parce que c'est pas très gracieux. Et puis ça me fout les boules de pas avoir la contenance d'un trente tonnes niveau sexe en fait.
Et dans un élan tout en grâce et en légèreté, avec sincérité et assurance, je plaque ton bassin contre le mien avec ma main droite tout en plaçant mon autre main sur ta nuque. J'ai pas envie que tu me ménage parce que je suis une fiote, j'ai même pas envie que tu sache ce que je pense. Et je suis tellement concentré sur ce que font mes mains, ma langue, que j'en oublie de bander. Et je pense que tu t'en fous, de ce genre de détail, ça viendra plus tard ça, parce que puisque tu as une grosse queue, je vais forcément être en proie à un orgasme total à un moment ou à un autre, la prostate pulvérisée par seize tonnes trente de bite en érection, et me noyer dans les hectolitres de sperme, tout ça. J'ose même pas espérer que tu puisse penser autrement que ça, parce que t'es acteur X donc tu as une confiance en tes capacités sexuelles à péter du parpaing à main nues. Et d'ailleurs, te soucies tu seulement de ce genre de détail ? Qu'est ce que tu peux bien en avoir à foutre de mon plaisir à moi tiens ? Et qu'est ce que tu peux bien en avoir à foutre de moi tout court d'ailleurs ? C'est mon problème ce genre de détail, pas le tien.
Incarne donc le mâle le plus horrible que je puisse rencontrer Jayden.

Si j’le baise maintenant (enfin après l’avoir traîné dans ma piaule ou dans la sienne, quand même), ça fera un peu « je t’ai sorti des pattes d’une nana donc tu me dois bien ça », non ? J’aime pas trop ce principe-là, confusément. J’aime pas prendre les gens pour des putes quand ils en sont pas. Ouais vas-y ouvre-la, ta gueule, et dis-moi ce que tu crèves d’envie de déblatérer. Irvin se conduit comme une pute, ouais c’est bien tu l’as dit ta connerie. Mais je reste intimement persuadé qu’Irvin n’est pas une pute. Complètement paumé, ça oui, et j’m’y connais en mecs paumés, parce que t’en croises un paquet impressionnant quand tu commences à taffer dans le X (et encore, moi j’ai pas bossé dans l’ultra-trash, j’ai réussi à éviter ça), n’empêche que t’en trouves des king size. À côté Irvin c’est un Disney avec une vie trop heureuse. J’ai cette conception vieillote de la drogue que si t’en prends, c’est que t’es pas heureux sans, et qu’il y a bien des trucs qui t’ont fait commencer. Je sais, j’réfléchis trop à des conneries qui vont trop pas avec mon image de putain de corbac qui en veut qu’à ton cul. J’suis pas aussi méchant que j’veux bien m’en donner l’air, c’est juste parce que j’ai peur d’avoir mal, tu vois ?
Si tu laisses les gens suffisamment loin pour qu’ils puissent pas te toucher, mathématiquement ils peuvent pas te faire mal. Mon corps il est gratuit, mais mon âme, faut payer cher pour l’avoir. Moi j’m’en suis toujours sorti en fonctionnant de cette manière, mais je sens que ça va pas continuer longtemps. Parce qu’il y a Shu, déjà qui est bien … déroutant. Trop gentil pour son propre bien, il se livre super facilement, et par mimétisme et par envie, j’ai fait pareil avec lui. Et ça me file la frousse, j’ai pas honte de le dire. Y’a Irvin aussi, mais c’est pas le même syndrome. Irvin t’as l’impression que le monde entier lui veut du mal sauf toi, et du coup j’me dis que ce serait pas mal de le protéger de ça. J’suis sûr qu’il le mérite au fond, et c’est bizarre parce que d’habitude j’suis du genre à bien mépriser les drogués. J’suis un peu un connard sur les bords, mais j’crois qu’au milieu, j’suis plutôt un mec gentil. Attentionné ? … On va p’têt pas pousser. Ça serait déplacé.
J’me laisse embrasser par Irvin, sans comprendre ce qu’il cherche à faire (j’veux dire d’habitude quand quelqu’un m’embrasse j’sens un peu des trucs, et là j’suis juste capable de sentir qu’il tremble et … c’est pas bon signe). C’est dans ces moments-là que ça me serait super utile de savoir exprimer ce que je ressens en parlant et non pas en le montrant, parce qu’Irvin est franchement naze pour interpréter les gestes. C’est pas une critique contre lui j’trouve ça confusément euh … Séduisant ? … M’enfin ouais, il est pas doué pour ça. Un peu nul en psychologie. J’peux pas lui en vouloir, avec un mec comme moi en face y’a pas mal de gens qui sont déroutés par ma froideur poussée à l’extrême et ma manie de pas répondre aux questions qui me sont posées. C’est juste un peu fatigant de se sentir obligé de se justifier. Je lui attrape le visage entre mes mains, les lèvres encore sur les siennes, rouvrant les yeux pour le fixer. Tiens, lui aussi il a les yeux clairs. Dingue ça.

« Hey … J’étais sérieux. »

C’est sûr que t’es pas beau comme le sont des tas de jeunes premiers à la con (qui ne sont pas mon type) mais j’trouve que dans ton corps trop maigre et tes fringues trop moulantes, t’exprimes un truc. Et j’ai p’têt une âme d’artiste du coup, mais moi j’trouve que c’est ça l’important, le charme et les trucs exprimés. J’ai pas forcément assez de vocabulaire pour exprimer tout ça sans ressembler à un mec qui a pas appris son discours avant de le réciter, alors je traduis tout le bordel qu’il y a dans ma tête avec seulement deux mots. « J’étais sérieux. » C’est sûrement pas suffisant mais c’est le mieux que je puisse faire. J’suis à mon maximum là (je sais c’est décevant).
Je me recule un peu, laissant mes mains glisser sur son cou, ses épaules, puis sa taille, le regardant avec le plus grand sérieux du monde (mon air habituel plus ou moins quoi) :

« Si t’as pas envie, c’est pas grave, t’es au courant ? »

Non c’est pas une question moqueuse, j’lui demande sincèrement parce qu’il a pas l’air de le savoir.

Vous allez rire, mais on m'avait jamais trop demandé si j'avais vraiment envie de le faire ou pas. Même Shu. Bon évidemment, si je mets à hurler « NOOOON » en me débattant et en pleurant, le type va pas faire chier, mais ça m'est jamais arrivé jusque là. Pas que les gens soient des connards insensibles à mes sentiments, juste que je suis du genre à avoir peur de faire ma poule maniérée en disant non. Et là, vous allez rire encore plus devant ma pédalitude, mais j'ai eu un gros flash en m'apercevant qu'en fait, si je rentre pas vraiment dans la caricature que j'essaye de me coller, bah Jayden y rentre pas non plus, et on a l'air super con avec nos costume de Superman trop petits. Enfin l'autre là, il a l'air moins con que moi, parce que lui a pas essayé de rentrer dans le rôle du super méchant du sexe, c'est moi qui ai sauvagement essayer de lui faire porter ce costume là. Et je me sens particulièrement idiot là, vous pouvez pas savoir, parce que Jayden, avec sa petite phrase anodine, bah c'est le seul mec – moi compris – qui me prend pas pour un Mac Drive du cul. Et en plus, le « j'étais sérieux », c'est franchement la cerise sur le gâteau, parce que quand il l'a dit, il m'a vraiment regardé le visage et tout, et soit il ment vachement bien, soit c'est tout connement la vérité et je peux aller me rhabiller avec mon scepticisme. En fait, Jayden, c'est un gros gentil qui le cache bien, parce que le « à quatre pattes salope » quand on à sa plastique et disons... Sa carrière, ça marchera toujours mieux que « tiens, des fleurs ! ». Plus crédible, plus classe (estime de soi, indépendance, enfin j'ai déjà monologué là dessus, je vais pas vous la refaire) et pour les cons comme moi, c'est un putain de piège à mouche. Mais du coup il est entouré d'abrutis quoi.
Putain faut pas que je le lâche.
Et là, me voilà avec ses mains sur ma taille et qui le regarde avec les grands yeux de celui qui est rentré dans un silence contemplatif et pas du tout du mec qui, y a cinq secondes, rentrait dans des préliminaires torrides en plein couloir. Je suis coincé, et totalement grillé. J'ai l'air d'un mec totalement illuminé qui vit dans un espèce de délire flashy de manière continuelle, mais en fait j'en ai juste l'air, et ça, je crois que Jayden l'a capté. Et même si je le désire très très fort, ben je peux pas me foutre de tout et garder un air de pute qui veut juste s'éclater – dans tous les sens du terme, oui je suis crade.

- Ben si c'est grave, je... Si j'en ai pas envie, je vais pas pouvoir rester avec toi...

Air désolé. Oui j'ai le droit d'avoir cet air là, parce qu'avec une réplique pareille, on devrait réhabiliter la peine de mort. J'imagine la voix off dans la tête de Jayden : « Félicitations, dans le grand Loto de l'Univers, vous avez gagné une petite pédale collante... Alors, heureuse ? ».
Mais bon, comme j'ai pas envie qu'il se casse en me laissant avec de grands yeux d'épagneul breton en manque de sucre, j'essaye de m'approcher de lui, de le toucher, enfin qu'il se passe un truc dans son calbute quoi, je vous jure que j'essaye de toute mes forces, mais le seul truc qui me traverse la tête, c'est une prière muette pour que le monde s'arrête, et que plus personne ne pose jamais ses doigts sur moi, et que moi j'ai plus jamais à me réveiller avec un goût de bite en bouche parce que Monsieur aurait voulu me faire durer le plaisir et que ce qui aurait dû prendre un quart d'heure en ai prit trois. Je veux plus jamais avoir des bleus partout parce qu'un connard est allé imaginer que me plaquer sur tous les murs de la piaule était excitant, et que baiser par terre alors qu'il y a un lit dans la pièce l'était encore plus (j'en ai encore mal au dos, du carrelage !), je veux plus voilà et tout ce que j'arrive à faire c'est trembler tout ce que je peux. Y a des jours comme ça où y a que les expériences désagréables qui vous viennent en tête, et vous vous demandez à quel moment vous avez renoncé au séminaire de prête pour devenir une pétasse, le pire étant que vous n'arrivez à rentrer dans aucun des deux rôles, et que le cul entre deux chaises, vous savez plus trop où vous mettre.
Et peut être même que Jayden regrette sa carrière dans le X, des mythes s'écroule.
Bon, mon petit Jay', pour me faire réfléchir autant et me pousser à me comportement pareillement pour pas que tu te casse trop vite, tu mérite cette phrase ;
Meuuuuuurs Jayden ! ... mais pas trop vite...

J’irais pas jusqu’à dire que l’information que je viens de tenter de lui faire passer turbine dans son petit cerveau (c’est pas facile parce que j’ai autant de propension à être bavard qu’un mur de briques et je sais pas bien communiquer), mais en tous cas j’ai l’impression qu’il y a un déclic qui se fait dans son cerveau. Et oui, j’avoue, là j’ai osé croire qu’il allait comprendre, que tout était fait malgré mon laconisme, et que ça allait s’arranger de manière fulgurante. (Faut vraiment que je sois un type sympa, pour me préoccuper des pensées d’Irvin alors qu’il était manifestement consentant, ma gentillesse me perdra.) Sauf qu’il prononce une phrase qui fout tous mes espoirs en même temps par terre … Ou pas vraiment. En fait, je crois qu’il a compris le principe du « j’ai pas envie j’le dis », maintenant, il ne reste plus qu’à lui faire intégrer le principe « je peux faire autre chose que baiser avec des gens ».
Moi aussi j’trouvais ça incroyable au début, puis finalement j’trouve ça vachement plus reposant, et puis bon, c’est un plus sain aussi quelque part. Et comme je suis quelqu’un d’extrêmement sympathique, et puis que je l’aime bien aussi, quelque part, je fais profiter Irvin de mes propres découvertes. De un, tu peux faire d’autres trucs que baiser avec les gens, de deux, t’es pas obligé de baiser pour que les gens t’aiment bien. Y’en a que ça fait rire, je sais, parce que ça leur paraît absolument logique. Eh bah pas à nous. On réfléchit différemment. Y’en a certains qui naissent déjà humains, nous ça nous prend toute une vie pour y arriver.
Et parce que sa tête me revient, parce que j’ai l’impression que tout le monde lui veut du mal, parce qu’il est particulier … Je lui fais partager mes tuyaux durement gagnés. Moi j’assume, mais lui ? … Toujours est-il que je me fends d’un sourire en coin qui a sûrement l’air narquois ou moqueur mais dont c’est pas du tout l’idée, parce que je sais pas sourire normalement et gentiment. C’est pas mal d’être radin sur les expressions quand tu parles parce pour se la jouer brun ténébreux, ça joue à fond. C’est un peu con quand t’en aurais besoin et que t’es foutrement incapable de les laisser passer. L’histoire de ma vie. J’retiens toujours trop et j’donne jamais assez.

« Si, tu peux rester avec moi même si on baise pas. »

Autant appeler ce qui est par son nom. De toute façon je suis prêt à parier trois de mes pires films en dvd que ça choque absolument pas ce mec, ce genre d’expressions ! Pour lui prouver, rien de mieux que de retourner dans les cuisines, endroit réservé aux pions … Okay et aux prisonniers chargés de la bouffe, certes, histoire d’y bouffer un morceau.
Quand on rentre à nouveau, t’as tout le monde qui nous dévisage style « alors lequel des deux a sucé l’autre » (c’est quand même terrible ce radar à pédés qui se démocratise, d’où ils s’en servent ce tas d’hétéros ?). Et je peux te dire que c’est une grande victoire dans ta vie la première où toi tu sais que ce que t’es allé faire, c’était tout sauf ça. Ca y ressemblait, en l’occurrence c’était même bien parti pour, mais on l’a pas fait parce qu’on est capable de communiquer autrement.
Et moi ça me rend bêtement content mais je sais pas pourquoi. Du coup je fais aux importuns le regard du corbeau qui tue, celui qui demande à peine voilé « qu’est-ce que t’as toi, tu veux ma photo ? », et c’est toujours aussi efficace parce qu’ils regardent ailleurs d’un air gêné. J’arrive devant les plats encore un peu chauds (de toute façon chaud ou froid ici, pour ce que ça change …), et fait un petit geste de la main à Irvin.

« Je t’en prie vas-y. »

Et ouais, gentil avec et pas morfale avec ça. J’te le dis, le prince charmant, c’est moi. Mais alors ça veut dire que le prince charmant est gay, et qu’en plus, il a tourné du porno. Oups, c’est une légende qui s’écroule …

Figurez vous que depuis que je connais Jayden, ou même Shu, ou même depuis super longtemps tiens, l'idée qu'on puisse trainer avec quelqu'un sans niqué ne m'avais absolument pas travers la tête, et le fait de rester avec Jayden sans avoir forcément besoin de salir ses draps me plaît au delà du raisonnable. Et ça me plaît tellement que je le suis. La preuve : je le suis au réfectoire des gardiens, et si c'est pas une preuve ça, je sais pas ce que c'est. En effet, y nous mattent comme si on avait... Bah baiser. Jayden et moi on doit avoir une sacré réput' dis donc. Puis en plus on est deux mecs attends, ça va pas ça. C'est vrai qu'à force de ne trainer que avec des homo, t'oublies une vérité essentielle : Pour les hétéro, c'est pas du tout naturel, comme voir un canard à trois pattes, ça les fout mal, ils ont du mal à se faire à l'idée, ils trouvent ça vaguement gore. Et les bi, c'est des traîtres à la cause, ils viennent et ils retournent voir Madame et les gosses, les connards. Enfin je sais pas lesquels sont les pires. Ah si je sais ! Les métrosexuel, ceux là c'est les pires, c'est des espèces de filous, ils cachent bien leur jeu d'hétéro ! C'est quoi cette façon de piquer des trucs qui nous appartiennent comme des salauds là ? Est ce que moi je regarde le foot et je lis des magasines sur le Tunning ? NON ! ... 'fin bref.
Donc cette bande d'hétéro nous matte, mais nous pouvons arriver glorieux et triomphant, on a rien fait ! Non, on parle juste, parce qu'on est des gens civilisés et qu'on sait dire autre chose que « toi baiser » en mattant des pectoraux en sueur, ouais, on sait manger ensemble aussi, comme un vrai couple, et devant le signe de Jayden, je lui fait un grand sourire et je prends mon repas très nourrissant du jour : Un bout de pain et une pomme. Et oui, quand on se drogue comme un con, y a des trucs qui marchent moins bien, l'appétit et le système digestif par exemple. Ça me fatigue de digérer des trucs du style viande ou Big Mac, ça fait trop lourd. Le pain, ça se vomit bien, et puis la pomme euh.. Ça fait des fibres ? Ah oui, et les vitamines aussi. Enfin j'vous rassure, des fois je mange plus, sinon je serais mort, mais là tout le monde arrête pas de nous matter - même si Jayden lance son super regard noir de brun ténébreux- alors ça me stresse. J'épluche avec conviction mon bout de pain pendant que Jay' se sert (soyons fou : Donnons lui un surnom). Je le considère gravement tandis que je fous des miettes partout par terre. Il se contente pas d'être un beau brun ténébreux, il est sympa aussi, mais faut bien creuser. Il aurait pu me ramener dans sa piaule et j'aurais rien dit, mais non, il s'est aperçu de mon malaise – que j'espère passager – et là on va bouffer. Il a fait preuve de délicatesse quant à mon poids, et je l'en remercie, ça n'aurait pas été très sympa de me mettre une gaveuse à canard dans la bouche. Enfin bref, je prends un verre de lait aussi (j'aime bien, je suis pas très alcool finalement) et on va s'installer dans un coin loin des autres abrutis qui ont l'air d'avoir à peu près digéré notre présence. Je continue d'éplucher frénétiquement mon pain, et si je fais pas des sculpture en mie, c'est bien parce que Jayden est là. Ouais donc, ouvrir la conversation, parler, c'est bien parler il paraît, puis si on baise pas, c'est pour faire ça non ? J'ai bien envie de dire « parle moi de toi », mais ça je crois que c'est pour emballer les filles qu'on dit ça. Faut que je la joue plus subtilement, parce que mis à part la taille de sa bite et le râle qu'il fait quand il simule (hey, j'ai vu un de ses porno je vous rappelle !) ben je le connais pas du tout.

- Et sinon mis à part euh... Artiste indépendant, t'as fait quoi dans la vie ? Et pis t'as quel âge en fait ? C'est des détails importants ça non ? Enfin j'me pose la question quoi.

Rââââââh le retour terrible de la boîte d'After Eight ! ... Bon, pour ceux qui n'aurait pas lu frénétiquement toutes mes merde, j'ai tendance à avoir une boîte de biscuit spirituelle dans le cul quand j'suis gêné, et ça arrive assez souvent. Donc je réduis mon bout de pain en pièce (mais vous imaginez pas un gonze en train de charcuter de la mie à la tronçonneuse, c'est un effet de style, j'exagère un peu) pour finalement pas le bouffer, et je matte Jayden avec mes grands yeux tout mouillés tout verts et trop sexy tout ça.

Y m’énervent à nous regarder. Surtout la nana qui draguait Irvin avant que je débarque mode dark ténébreux prince charmant new style, elle fait une tête de lapin passé au congélateur, et ça m’énerve sensiblement. T’inquiète pas, je suis un mec très calme, et même super énervé, je vais pas casser la gueule aux gens. Tout au plus je prends l’air le plus noir dont je suis capable, et je vais voir les contrevenants en leur demandant s’il y a un problème. J’ai toujours obtenu une seule réponse « non non tout va bien ». Comme quoi c’est utile d’être moi. Bref, en l’occurrence j’ai pas envie d’abandonner Irvin (il a l’air de se faire très vite à ma présence à ses côtés en fait j’voudrais pas qu’il se sente … lésé), donc je n’irais pas leur demander s’ils ont un problème ou pas. J’dois avouer que j’ai pas très très faim, donc le menu sera composé de leur super-pain-mou (je sais pas comment ils se démerdent dans la région pour arriver à un tel résultat, mais leur pain est mou et même légèrement caoutchouteux. Chez moi le pain à la base, ça croque sous la dent, ici non ça se mâche comme du chewing-gum … Un peu plus longtemps). Donc ouais je disais avant de faire la sociologie du pain luxembourgeois ; du pain, du beurre, et ça suffira bien. Surtout que j’ai toujours tendance à me demander ce qu’il y a dans leur beurre de pas net (au final j’ai fini par me dire qu’il n’y avait RIEN et que c’était le fruit de mon imagination, c’était plus rassurant).
Sinon j’avoue que j’ai pas du tout fait gaffe à ce qu’a pris Irvin. J’suis déjà en train de faire son éducation sociale en plus de la sexuelle (ouais bah si quand même quelque part, c’est éducatif tout ça), je vais pas en plus m’improviser diététicien à base de « tu sais il faut manger plus ». De toute manière, la coke, ça fait tenir debout n’importe quelle loque. Bah ouais écoute, il se drogue et c’est très mal, mais qu’est-ce que j’y peux ? J’le connais pas encore très bien le mec, même si je l’aime bien, j’vais pas tout de suite me foutre dans sa vie en disant « fais ça ça ça ça et ça et dis-moi merci pour mon intervention ». Nan j’suis pas comme ça. J’verrais plus tard. Je relève les yeux sur lui quand il me demande mon âge, et je passe une main négligente dans ma nuque, esquissant un léger sourire (c’est pour casser un peu l’image de corbac pas sympa) :

« J’ai 26 ans. »

26 ans, j’ai toujours trouvé que c’était un peu symbolique. Genre jusqu’à 25 ans t’es un « jeune adulte » à 26 ans c’est terminé, t’es un adulte tout court. Je me redresse un peu sur ma chaise, en tentant de séparer un bout de beurre de la masse compacte que j’ai réussi à prélever, mais c’est franchement pas facile, et je claque de la langue avec agacement avant de penser à répondre à l’autre question d’Irvin.

« J’ai pas de formation particulière. »

Doux euphémisme, j’ai même pas le bac, autrement dit dans une société super qualifiée, je sers à rien. Acteur X quoi.

« Donc j’ai fait pas mal de trucs … Vu que je suis pas trop difficile » Là encore, doux euphémisme, je suis le roi de la relativisation … « J’ai toujours trouvé plus ou moins de quoi taffer. J’ai fait mannequin pendant un certain temps, serveur aussi, barman en boîte de nuit … Plein de trucs quoi. »

Ca explique pourquoi je sais faire des trucs aussi inutiles que jongler avec trois bouteilles, et je suis le roi des cocktails super corsés. Tous les trucs les plus retors, je les connais.

« Et toi, qu’est-ce que t’as fait avant d’atterrir ici ? »

Ah ça y est, j’ai réussi à beurrer un bout de pain. Ils font tout à l’envers ici, c’est le pain qui est mou et le beurre c’est du béton …

Et donc, j'écoute Jayden, enfin j'essaye, parce que je suis un peu distrait par les regards des autres là. Attends, c'est bon quoi, on est pas en train de violer sauvagement des grand mères, ils sont pas obligés de nous matter comme ça.
Je me concentre sur ce que me dis Jayden, et sur ses gestes. Visiblement, il est tombé sur du beurre et du pain très récalcitrant, et je me demande qui il va percer le pain à force de bourriner sur le bout de beurre comme ça. Mannequin ? Oui, ça colle, il est vachement beau Jayden, même si il est actuellement pas maquillé ni photoshopé. Peut être que sur ses photos et tout ça on lui a collé dessus de la fausse peau pour faire style qu'il est plus baraqué et tout, et qu'au final, devant le résultat, il s'est même pas reconnu. Ça doit pas être facile d'être beau, en tous cas moi j'le suis pas, donc j'ai pas le problème. Même pour un manga, je suis trop maigre, alors je suis foutu.
...
Ce que j'ai fait avant de venir ici ? ... Euh... Comment te dire.. Disons que j'ai un parcours que l'on pourrait qualifier d'atypique. Un emploi atypique ! Ouais, c'est ça le terme que j'ai appris à l'école, et je pense qu'il convient là.

- J'ai mon bac, et puis euh...

Oui, d'ailleurs, qu'ai je fais entre mes dix huit et vingt quatre ans ? Tu tiens à le savoir hein ? T'es vraiment sûr ? Ouais allez, dans le fond, c'est assez drôle. Je suis sûr que ça ferait bien marrer Jayden en tous cas.

- J'ai bossé dans un PMU.

Je croque dans la pomme et je regarde en l'air. La classe hein ? Oui, bon, on peut pas tous être mannequin hein, faut bien qu'il y en ait qui fasse les boulots ingrats. Ah oui quand même, petite précision :

- Mais bon, les gens ils venaient pas que pour le tièrcé en fait... S'tu vois le délire. Petite pause. De drôle, mon truc est passé au stade de pathétique. Amenez les violons et les petits mouchoirs brodés, Irvin a ouvert la bouche (et c'est bien ça le problème). Ben faut bien la payer la drogue. Haussement d'épaule. C'est moi où je m'enfonce ? Si si hein. Te lance pas dans l'humour Irvin, pour un observateur extérieur, t'es en train de narrer la dérive par petits bouts, avec des morceaux de pommes et des haussement d'épaules au milieu. Là tu m'imagine les yeux mouillés, dans le froid, pas vêtu très chaudement, une clope au bec et en train d'attendre le micheton hein ? Enfin bon, j'tapinais pas vraiment, j'couchais pas – on place sa dignité où on peut – enfin pas souvent, enfin voilà quoi, donc bon euh... Rôh merde. Enfin de base je vendais les billets du loto quoi.

Je hausse des épaules et je reprend la très intéressante dégustation de ma pomme, que j'ai agité dans tous les sens pour ponctuer mon discours. J'prends la tête de celui qui aurait juste dit « j'étais caissier au Macdo, une phase pas très intéressante de ma vie », mais intérieurement je me mords les doigts de lui avoir raconté tout ça, d'une parce qu'il s'en fout très certainement, de deux parce que si il s'en fout pas, il sera soit dégoûté soit attristé, et c'est pas vraiment le but de la manœuvre. Et les autres qui continuent de nous regarder... Merde, on est au Zoo ou quoi ? Attention, deux pédales en cage, ne leur lancez pas des cacahouètes, ça pourrait les rendre malade ! Ben oui, c'est spermovore ces bestioles là, c'est bien connu... Bref, y a une méchante envie de baffes dans l'air, et j'ai l'impression que le monde entier me regarde avec de grands yeux mouillés, avide de me voir me faire mettre par un autre type. Mais je sais faire autre chose ! Je vous jure ! Pourquoi vous me croyez pas ?!
Non, putain, faut que je leur explique que ça se fait pas de regarder les gens comme ça, d'une parce que ça me stresse, de deux parce que je veux pas voir ni entendre la réaction de Jayden.
Je me lève, et je suis en quelques pas près d'eux, et ils continuent de me regarder là comme ça, avec leurs petits yeux de fouine perverse. Une vraie meute de petites fouines, là, avec leurs yeux tout mouillés. Je me plante devant un gonze qui avait pour seule qualité d'être celui qui était le plus devant, et visiblement ils sont assez surpris de mon comportement parce qu'ils ne réagissent pas. Ou plutôt ils ne savent pas comment réagir, sans doute.

- J'ai une tâche sur le nez ?

Me répondent pas. Me regardent. Et ça m'énerve prodigieusement. Je sais, c'est toujours douloureux d'être pris en flagrant délit de comportement discriminatoire hein ? On gloussait comme des poules, bah on glousse plus ! Ils auraient été plus nombreux, ils m'auraient balancé des cailloux en m'insultant, là ils n'osent pas, et je savoure ma puissance de dominer du haut de mes un mètre soixante quinze cinq six pauvres types paumés, et la nana qui m'a draguée.
Et là, tout capote, y en a un qui s'est ressaisi, le plus proche de moi justement, et qui se permet une réflexion grossière. C'est quoi cette fixation sur le sperme là ?! J'ai pas trop compris, j'ai vu tout rouge d'un coup, et mon poing à fini dans son nez. Oui oui, vous avez bien lu, mon petit poing tout osseux planté sur un bras évoquant le spaghetti de par sa couleur et sa forme. Mais j'ai l'effet de surprise, de toute façon ça existe pas un pédé violent, mais là, j'me suis trop mangé de coup, et j'en ai marre de me voir dans le miroir le matin avec un œil au beurre noir.
Donc j'lui mets encore un autre pain.

Si c’était la pause « apitoyez-vous sur ma vie braves gens », ça a honteusement foiré. Déjà parce que les autres gens présents ont rien entendu, trop occupés à nous dévisager, ensuite parce que moi, la prostitution, ça me connaît bien, et ça m’émeut pas trop. Puis de toute façon, c’est limite marqué sur sa gueule. J’en ai des méga-caisses de bonnes excuses comme ça, style « de toute façon c’est fini j’peux plus rien y faire », ou encore « en plus j’suis naze pour consoler les gens ». Le pire c’est que tout ça, c’est vrai. Donc pour résumer, je me contente de ne rien dire du tout, continuant de manger mon beurre et mon pain infâme, avec un petit hochement de tête. T’as fait le tapin ? C’est bien, moi j’ai fait du X. Toi, ça reste dans l’esprit des gens, moi c’est gravé sur des dvd, pas de bol. Chacun ses défauts dans la vie, j’en ai ma part je crois.
Mais voilà qu’il se lève et va près des gens qui nous observent sans discrétion aucune depuis tout à l’heure, et j’hausse un sourcil en me demandant sincèrement ce qu’il est en train d’essayer de faire. Par moments, j’ai vraiment l’impression que son cerveau se met en off, et l’impression est largement confirmée quand son poing vole dans la gueule d’un des mecs. En plus, il a pas pris le moins costaud, cet idiot. De quoi il a l’air je vous le demande ? D’un genre d’écureuil qui va se venger d’un sanglier parce qu’il lui a déterré sa réserve de noisettes et qu’il lui a tout bouffé. C’est pas très beau à voir, et j’ai la très nette sensation que ça va être encore moins beau quand le mec va sortir de sa torpeur histoire de rendre les coups. C’est encore une affaire pour super-Jayd’n (lequel commence à être franchement gavé de toutes ces conneries si jamais vous voulez son avis sur la question). J’ai JAMAIS mais alors JAMAIS dit que je m’occupais des âmes en détresse. Si vous voulez tout savoir, c’est franchement pas mon truc. Il se drogue, bah c’est son problème, pareil pour son ancien taff, qu’est-ce que j’y peux moi, j’suis pas frère Jayd’n merde quoi.
Enfin là pour le coup j’me sens un peu responsable des conneries d’Irvin (va savoir pourquoi) et donc je l’attrape au vol alors qu’il essaie de taper encore l’autre mec (qui ne s’est toujours pas réveillé, heureusement).

« Irvin ARRÊTE ! »

Ou c’est moi qui te cogne et là tu vas pas kiffer. J’marmonne à moitié une excuse pour les autres employés qui nous dévisagent maintenant comme deux moutons enragés, et sans un regard pour notre super repas pain pomme beurre, j’emmène Irvin dans le réfectoire proprement dit, bien décidé à lui passer l’engueulade de sa vie, C’est que j’aime ma tranquillité, et j’ai pas spécialement envie d’être harcelé par le personnel de cette prison tout ça à cause d’une pédale qui s’est senti pousser une virilité.

« Je peux savoir à quoi tu pensais au juste, là ? »

Avec le putain de regard trop glacial qui te fige sur place, que même répondre, tu flippes de le faire. J’ai toujours dit qu’il valait mieux éviter de m’énerver. Je lâche enfin le bras d’Irvin, histoire de m’allumer une clope, et par la même occas’, m’éloigner de lui.

Quelqu'un qui fait des trucs cons sous l'impulsion de sentiments contradictoires, comment on appelle ça déjà ? ... Une fille vous dites ? Oh, fort bien. Me voilà de sexe féminin à présent, joie bonheur et cotillons. Si les pédales volaient, je serais chef d'escadrille. Y avait d'une part le coté « j'ai pas envie de voir la réaction de Jayden pour pas que ça fasse bouh dans mon petit cœur » et de l'autre « d'où tu me matte connard , » avec en bonus l'envie de me défouler. Bon, au moins nous avons une bonne nouvelle, Jayden n'a visiblement pas pitié de moi. Tant mieux. Généralement, ça me gêne un peu cet aspect de ma vie, parce que ça dégoûte pas mal de monde, personne n'a envie de se taper une pute. Ou alors pas pour les bonnes raisons. C'est vrai qu'il est lui même acteur X, alors bon, me reprocher de vendre mon cul... C'est un peu déplacé, pour faire dans l'euphémisme. Lui non seulement il a vendu son cul, mais en plus on peut encore le voir aujourd'hui, moi une fois que c'était fini, c'était fini. D'ailleurs, j'ai vu un de ses films j'vous signale, et même qu'il était pas nul dedans.

- Je sais pas trop... j'ai été con, c'est tout.

Oh, un éclair de lucidité ! Regarde maman comme il passe vite ! Oooh (prendre ici un ton désolé) il est parti ! Et si tu veux une analyse claire et détaillée de mon comportement depuis vingt quatre ans, c'est pas à moi qu'il faut demandé, parce que j'ai pour principe de ne jamais réfléchir, j'ai peur d'attraper un claquage du cerveau ou quelque chose comme ça. Enfin bref, je comprends que Jayden s'éloigne de moi là, c'est vrai que je suis très con. Essayer de discuter normalement façon couple hétéro qui cherche à calmer sa culpabilité avant de mélanger son foutre, c'est pas un truc qui marche avec moi. On a eu le droit à deux minutes de monologue sur ma vie pitoyable – du point de vu des autres – et à un accès de violence suicidaire du quel Jayden m'a sauvé. Ah bah bravo, vraiment, et moi je trouve rien de mieux à faire que de prendre des yeux de cocker et d'avoir l'air le plus désolé possible. Je fais ça bien hein ? Ouais je sais, on a la classe ou on... Ouais tout ça, et puis les phrases de ce style que tout le monde sort, c'est surfait, tu trouve pas ? Si si hein.
Enfin bref, la question que tu te pose, que je me pose, que le mec en face de moi là, il se pose, que nous nous posons tous en somme c'est : Mais qu'est ce qu'on fout maintenant ? Plusieurs options se présentent à moi; la première c'est de tourner les talons et de me casser sans jeter un regard en arrière, tel le mâle viril maitrisant sa vie, son cœur et sa queue. Malheureusement, je ne suis pas comme ça, j'ai pas cet espèce de courage là, et donc mon absence de couilles me commande de rester sur place. Bon, je pourrais aussi me mettre à genoux (ou une position équivalente) et le supplier de me pardonner, lui assurer que je ferais mieux, que je suis pas si nul que ça, me plaindre de mon enfance difficile, dire que de toute façon, le seul truc que je fasse bien envers un autre humain, c'est la pipe, et que je me suis fait violé par un renne du père Noël étant enfant. Mais j'ai peur que ça marche moyennement, Jayden n'a pas une tête d'adopteur de chaton. Et je le comprends, un chaton comme moi, ça vous donne envie de faire exploser la SPA du coin juste histoire de s'assurer que y en a pas d'autres et que ça se reproduit pas façon Gremlins.
Enfin reviens quoi merde, sinon c'est moi qui me rapproche, et là tu vas grave en chier. Je sais même pas pourquoi j'suis collant comme ça, je sais même pas si ça vaut le coup, mais t'es tombé pile dans un moment de ma vie où j'avais besoin de quelque chose d'un peu plus... Haut. Je sais pas comment dire, disons que je t'ai pas encore taillé une plume sur le siège arrière d'une voiture, et que donc tu as à mes yeux une classe inimitable. C'est comme Shu, c'est très précisément le genre de mec que je drague pas d'habitude, et que donc je veux absolument là, dans cette minute précise.
Et donc, ne sachant pas trop quoi dire, je m'approche rapidement de Jayden – on sent le coup vicelard là – et j'le... Prends dans mes bras. Pas genre « Gros câliiiiins » de Teletubbies – une chose que les plus de dix huit ans ne peuvent pas connaître – ou « ça va être ta fête à toi tellement on va baiser » non plus. En fait, ça ressemble à rien ce que je fais. C'est ça qui est trop bien.

- Nan mais c'est la drogue qui me fait faire des conneries je crois enfin je sais pas trop hein un peu façon débile mental sauf que je le suis pas enfin la vie ça serait chiant si je faisais tout bien comme il faut tu crois non enfin je sais pas moi.

Si seulement ce balai pouvait sortir de mon cul !

Je savais bien (enfin je me doutais, plus précisément) qu’il allait trouver un truc pour m’empêcher de partir, mais le connaissant un peu comme j’le connais, j’aurais cru à une phrase choc ratée. (Non je suis pas méchant, je suis réaliste, laisse-moi finir.) Un truc du style « eh bah c’est ça, casse-toi », bref en y réfléchissant un peu, un truc de gonzesse. J’en ai fait des trucs pas sympas avec mes coups au pieu (oups pardon on dit « petits amis » pour être politiquement correct de nos jours), mais ils m’ont jamais sorti de trucs aussi cons. Oh quoique. J’ai pas toujours tapé dans le top de gamme non plus. On fait ce qu’on peut dans la vie par moments, et il y a des jours où tu peux moins que d’autres.
… Sa stratégie a l’air de marcher si son but c’est de me déstabiliser ; je raconte des conneries monumentales là. Bref, il ne m’a pas sorti « eh bah c’est ça casse-toi, tu reviendras quand t’auras faim » (ce qui est une bonne chose pour lui, parce que ça, ça a tendance à me faire fuir définitivement, surtout avec le lourd sous-entendu sur le mot « faim »), il m’a plutôt pris dans ses petits bras malingres (okay je suis pas baraqué enfin là quand même), en me disant plein de trucs super rapidement.
AHEIN.
Je retiens un grand soupir qui aurait pu (dû) être mal interprété, et vire ses bras de mon corps pour MOI le prendre dans mes bras. Déjà c’est plus logique physiquement parlant (une sombre histoire de longueur de bras et de circonférence de corps tu vois), ensuite s’il se casse la gueule, je peux très facilement le rattraper. CQFD. Bref, j’le prends dans mes bras et tout contre moi, l’air sérieux à mourir (mon expression habituelle quoi), tapotant sa petite tête vide d’une main :

« Parle pas si fort, j’te signale que c’est toujours pas légalisé mine de rien. »

C’est vrai ça, c’est pas parce qu’on est dans une taule sanguinaire qu’il est obligé d’étaler sa consommation de drogue journalière devant tout le monde … Bon ça, j’ai des doutes quant au fait que ce soit déjà fait. Irvin et sa discrétion légendaire, j’adore ce côté-là de sa personne, j’adore tellement que ça me donne un air accusateur dis donc. Bref. On s’en fout. J’étais en train de dire que ce mec a les marines plus panées qu’une escalope de veau (et hop une métaphore gastronomique), que tout le monde dans la taule est parfaitement au courant (pour pas s’en rendre compte faut soit être aveugle, soit un vrai débile), mais que de mon petit avis froid et impersonnel de Jayd’n, c’est peut-être pas la peine d’en être fier en plus. Voire on peut même aller plus loin.

« Parlant de ça, un sevrage express ça te dit ? »

J’suis champion pour ce genre de choses, j’t’assure. Non mais non c’est pas douloureux, c’est de la légende urbaine ça ! Je vais l’achever avec de la prise d’arguments façon Jayd’n :

« Nan parce que si ça te fait dire des conneries, faire manifestement aussi j’ai déjà testé, et en prime ça te donne l’air con … Tu ferais mieux d’arrêter. »

Là, s’il trouve une seule parade, c’est qu’il est fort.
Je tire sur ma clope en m’éloignant un tout petit peu de lui, histoire de pas le cramer. Et NON, bande de tapettes anti-tabagistes, la clope ne s’apparente PAS à la drogue. De un, c’est légal (bon pas ici, mais on s’en fout), de deux ça fait pas faire ni dire de conneries, et enfin pour terminer, ça donne l’air CLASSE.
Faut arrêter avec la clope au bout d’un moment. Ça devient gonflant.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Jayden ne m'a pas envoyé me faire enculer par un pingouin en Sibérie. Il ne m'a pas non plus chaudement recommandé de dégager mes sales pattes de là et d'aller me faire foutre, il ne m'a pas traité d'abruti, pas de cinglé non plus, il ne s'est pas mis à hurler, il ne m'a pas frappé, il ne m'a rien dit de méchant, il ne m'a pas dégagé, il ne s'est pas enfui.
Il m'a prit dans ses bras.
Si si.
Et on est resté là comme deux abrutis, moi totalement recouvert par ses bras et la tête dans son épaule (oui je suis pas grand et je vous emmerde), le cœur visiblement bien décidé à taper un sprint de cent mètres, sans bouger. Mes bras ballants me gênent quand même, ça me donne l'air con, alors façon film d'amour très très niais, j'entoure sa taille d'un geste hésitant. Ah, il me frappe pas, c'est bon, j'ai le droit. C'est trop cool Jayden maintenant t'as un connard collé à toi qui souffle dans ton cou tellement il respire fort tellement il est stressé. Elle est pas belle la vie ?
Si si c'est trop bien la vie, c'est même tellement trop bien que je suis incapable de vous expliquer comment on en est venu à se tenir dans les bras comme ça au milieu du couloir. C'est moi qui ai commencé, je sais, mais c'est normal, j'suis un junkie moi, donc un mec susceptible de faire n'importe quoi à n'importe quel moment juste parce qu'il a prit la mauvaise came. Jayden il est brun, ténébreux, actif, donc il est pas censé faire ça. J'suis censé faire mes petits drames tout seul dans mon coin pendant qu'il me regarde d'un air froid et j'me serais suicidé de désespoir face à son indifférence. Voilà comment ça aurait dû se passer, il devrait en avoir rien à taper de ma gueule, pas me prendre dans ses bras merde.

- Tu sais.... je crois que les gens s'en foutent.

Ou alors seulement du point de vue de la loi, limite, et encore. Y a plein de réactions possibles pour un non-drogué face à un mec qui se drogue. Et la plus courante n'est pas celle que l'on croit. Y a les gens qui veulent essayer, soit pour prouver leur mal être intérieur, soi pour faire cool, jeune et in (ce qui est complètement idiot, tout le monde sait que les drogués sont majoritairement des gros cons égoïstes qui restent chez eux parce que c'est fatiguant d'être sociable). Enfin bon, j'parle de gens qui ont trop lu Christiane F. hein, la majorité s'en bat les noix.
Jayden fait pas parti de la majorité.
Question con.
Je ferme douloureusement les yeux, là, planqué dans son cou qui sent rudement bon.
Pourquoi bon dieu pourquoi ? Pourquoi j'ai pas rencontré ce mec plus tôt, putain ? Ça aurait pu tout changer, merde. Là c'est un peu tard tu crois pas ? Vas y, il continue à m'enfoncer en plus. Evidemment que ça serait la bonne solution mec, mais c'est euh... Compliqué. Effrayant, bizarre, tout ce que tu veux. J'vais pas te faire un exposé pourquoi les gens ils se droguent et ils arrêtent pas, je crois que tu en sais sur le sujet autant que moi, c'est juste que... Rôh je sais plus. Moi, la pipelette de service, tu viens de me claquer le bec juste en deux phrases. Je grogne contre lui :

- ... Tu me laisserais y réfléchir un peu ?

Nous sommes dans la situation du mec qui, en haut d'un immeuble en flamme, dit aux pompiers qui lui lancent une corde : « tu me laisserais y réfléchir un peu ? ». La métaphore est pas de moi, mais de Stephen King, gros alcoolique et cocaïnomane notoire. Et un mec qui écrit foutrement bien accessoirement. Enfin avant son accident de van, ses premiers bouquins quoi. Enfin j'suis pas là pour parler livre, mais pour dire que je l'ai dans le cul, et que ça fait un peu mal.

- C'est quand même euh... Quelque chose qui se fait pas comme ça. Aller à l'hosto et tout...

Tu me laisse cinq minutes, je te trouve cent mille raisons de pas le faire, la première serait qu'à l'hôpital, tu ne serais pas là.

La lumière vient de se faire dans mon pauvre petit esprit étriqué (ou pas tant que ça) ; Irvin c’est le genre de gars que tu laisses pas réfléchir sinon il passe son temps à t’emmerder. Tu me diras, même quand il réfléchit pas il est déjà sacrément pète-burnes. Mais alors une fois qu’il a commencé à tenter de faire fonctionner l’éponge moisie qui lui sert de cerveau, c’est le drame, mec. Le DRAME. Heureusement pour lui que je suis pas champion pour prendre une quelconque expres​sion(en fait j’essaie même pas) parce que sinon le regard méprisant / incrédule / avec des envies de meurtres, il le sentirait passer là.
Allez je me pose la question sérieusement au moins une fois et je fais pas semblant d’y réfléchir, je me concentre pour de vrai dessus. Est-ce que j’ai vraiment envie de me charger d’un boulet pareil ? … J’ai la sensation (désagréable au demeurant) que j’ai pas le choix. Je sais pas si je t’ai déjà expliqué mes grandes convictions dans la vie, et si je l’ai fait, si t’as pris la peine de t’en souvenir. Mais on va commencer par le principal ; moi dans la vie je veux qu’on me foute la paix. La paix. Carrément. Le reste rien à branler. Je crois que je suis un de ceux qui se passeraient le mieux de communication, et qui pourrait parfaitement vivre en ermite quelque part. J’adore être seul. Je déteste la compagnie. Sauf pour baiser, et encore, souvent le jeu en vaut pas la chandelle derrière. (« Maintenant on parle » … Ouais ouais, c’est ça ouais, dans tes rêves.)
Bref, je ne suis pas vraiment l’archétype de l’adolescent social, de l’homme mûr en manque d’amour ou du damoiseau en détresse qu’il faut vite aller sauver de lui-même et du trou noir qui lui sert d’esprit. Ouais bah non. C’est juste que je suis un sociopathe un solitaire, qui se démerde très bien tout seul. Bon partant de là, tu te dis que la réponse à la question importante que j’ai posé y’a un paragraphe, elle est forcément négative.
Hé ouais mais non. Mes parents auraient été des indiens orientaux du nord, j’aurais peut-être pu vivre mon ermitage tant désiré en prenant comme prétexte une religion à la con dont personne a rien à battre (désolé si y’a des croyants ici, j’le suis pas et j’assume). Et ça aurait été grave kiffant, genre l’apogée de ma vie, tout ce que tu veux, mais un truc vraiment bien. Dommage, ça a pas été le cas, et comme tous les enfants du monde (occidental), j’ai dû aller à l’école, fréquenter mes petits camarades, et de fil en aiguille, j’ai eu des relations sexuelles, pseudo-amoureuses, surtout avinées … En somme, la descente aux enfers de base, tout le monde l’a connu.
Et mon problème actuel, tu vois mec, c’est que je suis calibré pour vivre en solitaire, mais que j’peux pas y arriver parce que j’peux pas perdre l’habitude de la socialisation. Dur, tu l’as dit. J’te rassure, j’suis pas une pleureuse qui vais perdre mon temps à chouiner sur ma triste vie, le jeu du Destin sur ma pauvre petite personne innocente, avec des scarifications et toutes ces joyeusetés qui vont avec. Non ça va, vraiment, je m’en sors sans ça. Tout le monde a une grosse contrainte dans sa vie, moi c’est ça, j’aurais pu certainement pu tomber pire. Et j’me démerde pas si mal avec ce que j’ai en fait. Bref Irvin. Qui me demande fort intelligemment s’il peut réfléchir à tout ça avant de prendre une décision (certainement qu’il fomente une bonne vieille overdose de derrière les fagots pour éviter d’avoir à affronter le sevrage, ce serait tellement lui), et j’hausse des épaules.

« De toute manière, c’est ton problème. Moi j’te dis ça, j’en ai rien à foutre, t’es pas mon fils, ni mon cousin, que dalle. »

Prends-toi ça dans les dents gars, tu vas kiffer. Soit dit en passant, j’aurais jamais de fils, et mes cousins (si j’en ai) j’en ai rien à cogner non plus. Mais bon si j’le précise, ça va légèrement casser l’effet de ma phrase, et j’ai pas envie de le casser l’effet. Je termine ma cigarette, avec l’air du Jayd’n en territoire conquis ; le message est clair. Je plie pas, je casse pas non plus, par contre toi, tu vas pleurer du sang avec moi.
Ce qui n’est pas faux du tout, et je ne comprends pas comment ça se fait qu’Irvin se soit toujours pas barré en courant … P’têt trop défoncé.

Oui, nous avons affaire à un magnifique exemplaire de sans-couilles. D'un gars qui aime pas trop se mouiller. Par peur du ridicule ? Non, plutôt pour préserver sa tranquillité. Mais c'est pas grave, je vais faire ce que je sais faire de mieux : Casser les couilles d'un innocent... Enfin non, c'est puérile comme réflexion, la vérité vraie toute nue, c'est que j'ai envie qu'il s'occupe de moi. Ben oui j'suis comme tout le monde, j'aime qu'on s'occupe de moi. Surtout quand la nounou potentielle est beau et très inaccessible, ça excite le compétiteur qui se cache bien profond en moi (majoritairement c'est la tapette qui domine).

- Ben Lassie chien-fidèle il sauvait bien le gamin tout le temps, pourtant ils sont pas de la même famille !

Ouais euh... Merci Irvin, tu te casse maintenant ? Nan bon, j'préfère faire celui qui est pas blessé par sa réplique, ça fait moins ridicule, ça fait celui qui est détaché, celui qui s'en fout, ça fait mieux quoi. C'est fou comme on peut cacher des trucs hein ?
(« Je sais que vos mâchoires distillent... L'agonie ! »)
Ouais, c'est fou comme on cache pas aussi, j'me suis remit à trembler. Juste tu pense à une chanson à la con, tu fais n'importe quoi. C'est pas ma faute moi si j'ai pas envie de me faire jeter, même si je l'ai bien cherché. C'est vrai qu'on se connait pas depuis longtemps, c'est vrai aussi que j'accumule depuis quelque temps, c'est juste que... C'est juste que rien, j'ai pas d'excuse. J'ai tapé trop haut cette fois ci (ça veut dire que j'ai pas dragué un mec qui visiblement se sent très seul et a pas de confiance en lui, voilà où ça pêche). Bon ben Irvin retourne à ta campagne hein, y a plus que ça à faire. Râh, même mes raisonnements sentent la crotte, c'est pas possible. Mais heureusement qu'il est pas dans ma tête Jayden, parce que sinon... Sinon rien, il est pas dans ma tête et on s'en félicite, voilà tout. Parce que par ici ça pue le mec qui a pas confiance en lui, et qu'à besoin qu'on lui dise tout le temps qu'il est bien pour pas déprimer. Que non, dans le fond, je suis pas si moche que ça, que je mérite mieux que la prostitution, tout ça tout ça.
Enfin mon cerveau m'amène un peu trop loin pour ce qui a été dit.
Hey... Qu'est ce que je fous là ?
Je me détache de lui, de ses bras tout ça, même si c'était bien confortable. Hey, je suis pas un vibromasseur moi, j'tremble pas contre les gens comme ça gratuitement. C'est humiliant merde. Mais qui j'suis pour dire ce qui est humiliant et ce qui l'est pas ? J'ferais caca en public si on me payait pour ça, je raconterai toutes les saloperies possibles et imaginables si ça pouvait me rapporter quoi que ce soit. Comme un peu d'affection.
Oui j'ai aimé que tu me propose une cure de désintox', j'ai cru que mon sort t'intéressait.
Soyons franc un peu.
Donc après être passé à deux extrêmes (du « c'est lui le sans-couilles » à « c'est moi le sans-couilles ») en moins de deux dixièmes de seconde, j'ai un peu mal au crâne. C'est beaucoup pour un « j'en ai rien à foutre de ta gueule », surtout quand c'est légitime, et comme je suis fondamentalement con, réfléchir ça me va pas du tout.
Bon, et maintenant ?
Maintenant rien, comme y a vingt secondes. Mais ce mec, c'est un truc de malade, il te clouerait sur une planche que le résultat serait le même. Toujours la réplique méchante à la bouche, et le regard qui va avec. Ben c'est ça les grands bruns ténébreux, un tas d'emmerde (grand, le tas, comme le brun ténébreux).

- Enfin sérieusement... Euh... Ben en fait j'ai rien à dire de sérieux euh... T'es pas très pincettes et tact toi non ? Enfin sauf avec ton fils et ton cousin j'crois.

Nous en revenons donc à la question à vingt mille balles (que je te donne si tu trouve la réponse) : Et maintenant ? Ben rien, comme tout à l'heure, comme depuis le début.
Meurs Jayden ?
Euh... Fils ?

- Euh... T'as pas d'enfant en vrai hein ? Tu déconnais ?

Oui, c'est le genre de chose qui me fait fuir, mais très vite. Vous croyez que c'est par préjugé ? J'vous rappelle que ma vie sexuelle, jusque là, c'était pas « tu sors gentiment avec un type de ton âge et vous avez des goûts en commun », j'vous rappelle donc aussi que mon cul, j'essaye d'en tirer profit. Un réflexe, comme ça. Et qu'est ce qui a plein de thunes dans son larfeuille ? Un mec qui a accumulé de l'ancienneté dans sa boîte, un vieux. Vous suivez ? Bien, parce que c'est là que ça devient compliqué, enfin uniquement pour ceux qui ont un cerveau en trou de gruyère (c'est à dire vide, qui existe pas) comme le mien. Donc quelle sorte de vieux a pas de confiance en soi, est seul et célibataire ? Le vieux divorcé qui a fait son coming out. Et généralement, tu tombe toujours sur un connard qui a un gamin planqué quelque part, et le gamin si ça se trouve, il est plus âgé que toi. La merde intégrale. « Donc comme ça mon père vous encule ? » « Ouais. » « Et vous lui pompez tout son fric ? » « Exactement. » « Vous faites quoi de l'argent ? » « J'me drogue. »
Donc si Jayden a un fils, j'me casse en courant.
Mais à tous les coups c'était pour me faire marcher.